Suite à (A)pollonia, j’avais quelque réticence concernant Krzysztof Warlikowski, doublée cependant d’une réelle curiosité.
Et puis ce Tramway s’annonçait comme l’adaptation d’Un Tramway nommé Désir de Tennessee Williams, qui plus est adaptation réalisée par Wajdi Mouawad, et avec Isabelle Huppert dans le rôle principal. Autant de noms qui exciteraient plus d’une curiosité.
Bon, j’avais également nourri un doute à l’égard d’Isabelle Huppert au théâtre, comédienne au talent indéniable qui déjà en Hedda Gabler – sous la direction d’Eric Lacascade – n’évitait pas d’en faire trop. Et c’est encore le cas cette fois-ci où, au long du spectacle donné, la comédienne outrepasse le rôle pour verser dans la performance. C’est exceptionnel, un régal à contempler, si n’était que le personnage en vient à s’effacer derrière Isabelle Huppert elle-même. On y perdait hier Hedda Gabler, on perd cette fois Blanche Dubois, sur le sort de laquelle on en vient à oublier de pleurer.
Mais c’est presqu’un détail, tant Warlikowski parvient par ailleurs à nous ennuyer au long de près de trois heures d’un spectacle interminable.
J’en avais déjà fait le constat après avoir assisté à (A)pollonia, cela s’est confirmé : Krzysztof Warlikowski possède surtout le talent de s’appuyer sur une scénographe d’exception en la personne de Malgorzata Szczesniak. Un Tramway vaut surtout pour son dispositif scénique qui est l’occasion d’une succession de tableaux d’ambiance souvent réussis – à l’esthétique néanmoins si travaillée qu’ils en deviennent parfois esthétisants.
L’utilisation de procédés vidéo est trop systématique pour ne pas en devenir abusive. L’effet en est souvent réussi, certes, mais il n’est pas justifié par un propos cohérent – ou intelligible. Cela en devient usant. Pis que cela, d’un bout à l’autre du spectacle les comédiens sont équipés de micro, qui au mieux rendent un écho aussi froid qu’impersonnel et au pis rendent des sons aux distorsions volontairement amplifiés. C’est épuisant, d’autant plus qu’alors chaque fois qu’un personnage se gratte la tête ça fait «scratchtch», chaque fois qu’il actionne un briquet ça fait «swisft»… et quand un objet tombe ça fait «blond».
Restons dans le son et évoquons les chansons qui émaillent – mais surtout émiettent – le spectacle sans qu’on en comprenne la nécessité. A minima, la chanteuse serait exceptionnelle, on aurait pu trouver là matière à se réjouir, mais ses interprétations sont en vérité simplement passables – quand elle ne massacre pas All by myself…
Mais finissons-en avec la forme, en n’omettant pas de signaler que les amateurs de haute couture trouveront peut-être une compensation à leur ennui en assistant aux multiples changements de costumes d’une Isabelle Huppert qui prend visiblement grand plaisir à remplacer une robe de chez Dior par une autre de chez Saint Laurent. Pourquoi pas…
Reste ce Tramway sans Désir, pièce amputée, saucissonée, éparpillée, avec des morceaux de Sophocle dedans, des éclats d’Oscar Wilde et de Coluche, de l’extrait d’Evangile et de Dame aux camélias. Pourquoi ? Mystère. Le propos est soit trop explicite, soit insaisissable. Surtout, on a très vite perdu l’envie de se poser la question.
Mais j’en ai assez dit et je m’en vais vous éviter le synopsis. Si cela vous importe, visionnez plutôt le film : Elia Kazan, Vivien Leigh, Marlon Brando, Karl Malden, ça le fait bien mieux.
Moi, j’en suis resté avec le regret, en sus, de ne savoir pas siffler. Quelqu’un saurait m’apprendre ?
Source : Un Tramway, Krzysztof Warlikowski