Sous l’oeil d’Œdipe, Joël Jouanneau
Festival d’Avignon 2009 – compte rendu : Acte 3
Sous l’oeil d’Œdipe, Joël Jouanneau
L’histoire de la famille des Atrides est généralement mieux connue que celle de la famille des Labdacides, dont on se souvient surtout le double forfait d’Œdipe, qui tua son père et épousa sa mère.
Pour ceux qui voudraient se rafraîchir la mémoire ou combler quelques lacunes, l’une et l’autre de ces deux destinées tragiques sont retracées à la fin de ce billet. Disons seulement ici que la malédiction des Labdacides conduit à quatre épisodes tragiques : la découverte par Œdipe de ses crimes aveuglés, la mort d’Œdipe maudissant ses fils, la guerre des fils qui s’entretuent pour la couronne du père, la mort d’Antigone qui défend le droit des morts contre les lois des hommes.
Joël Jouanneau a choisi de retracer l’ensemble de cette destinée maudite dans une et même pièce. On pouvait prédire qu’un tel exercice était voué à l’échec. Tout s’en trouve réduit, raccourci, aplati, simplifié, jusqu’à ce que disparaisse la théâtralité elle-même. Il y manque tout simplement ce qui élève le pathétique à la condition tragique : la profondeur.
La mise en scène, et en particulier la direction d’acteurs, tente alors de compenser ce qui est le péché originel de la pièce, dont il faut pourtant souligner un texte au style parfois fort bien senti. Mais c’était évidemment parfaitement vain. Il ne peut suffire de faire de grands gestes, de pleurer très fort et pousser des hauts cris désespérés pour que naisse le tragique. Au contraire, voilà que du pathétique on tourna au grotesque.
Jacques Bonnafé qui plante un Œdipe pitoyable et Bruno Sermonne un Cadmos dépourvu de toute épaisseur n’y pouvaient décidément l’un et l’autre pas grand chose. Les autres comédiens encore moins qui semblent au long de ces trois heures de représentation complètement perdus – à l’exception pourtant d’une Mélanie Couillaud qui figure une Euménide parfois convaincante.
Que dire sinon que tout cela conduit à un ratage complet, et presque tragique.
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La malédiction des Atrides
Pélops, qui donna son nom au Pélopponèse, est le fils de Tantale, lui même fils de Zeus, et de Dioné, fille du titan Atlas. Il épouse Hippodamie et parmi leurs enfants, on trouve Atrée, qui deviendra roi de Mycènes (ou Argos), et son jumeau, Thyeste, qui lui disputera le trône. Atrée épouse Erope, qui le trompe avec Thyeste. Atrée, pour se venger, tue les fils de Thyeste et, par ruse, les lui donne à manger au cours d’un banquet, avant de lui révéler de quoi il venait de festoyer. Pélopée, fille de Thyeste et violée par lui, donne à celui-ci un autre fils, Egisthe, qui tuera Atrée.
Ménélas et Agamemnon, les fils d’Atrée et d’Erope, sont dés lors contraints à l’exil. Ils se réfugient à Sparte, auprès de son roi, Tyndare. Ce dernier est l’époux de Léda, aimée de Zeus qui la séduit en prenant l’apparence d’un cygne. De ses amours avec le dieu, Hélène et Pollux furent le fruit, qui naquirent dans un œuf alors que Clytemnestre et Castor, enfants de Tyndare, naquirent dans un autre. Castor et Pollux sont nommés les Dioscures, c’est-à-dire les « fils de Zeus« . Lorsque Castor, fils mortel de Tyndare, est blessé à mort dans un combat, Pollux décide de partager avec lui son immortalité : ils passent ainsi la moitié de leur temps aux Enfers, l’autre moitié sur l’Olympe, parmi les dieux. Quant à Hélène et Clytemnestre, elles épousent respectivement Ménélas, qui devient roi de Sparte, et Agamemnon, dont elle aura trois filles, Iphigénie, Chrysothémis et Laodicé (Électre), et un fils, Oreste.
D’une beauté extraordinaire, Hélène avait été enlevée une première fois par Thésée – fils d’Egée, roi d’Athènes, vainqueur du Minotaure et époux d’Antiope, reine des Amazones vaincue par Héraclès, avec laquelle il a un fils, Hippolyte, puis époux de Phèdre (soeur d’Ariane), qui tombera amoureuse du même Hippolyte, qui la repoussera, sur lequel elle vengera son dépit en l’accusant auprès de son père de l’avoir violée, avant d’être prise par le remord et de se suicider, mais après seulement que Thésée aura fait tuer son propre fils. Pendant une absence de Thésée, qui s’est rendu aux Enfers pour capturer Perséphone, Castor et Pollux viennent au secours de leur soeur Hélène et la ramènent à Sparte.
Hélène, devenue adulte et ayant donc épousé Ménélas, est enlevée une seconde fois par Pâris, fils cadet de Priam, roi de Troie, et d’Hécube. Un jour qu’il garde ses troupeaux sur le mont Ida, Pâris voit apparaître devant lui Aphrodite, Athéna et Héra, qui lui demandent de choisir à laquelle d’entre elles doit être remise la « pomme de discorde » – pomme d’or offerte « à la plus belle » par Eris, la déesse de la discorde. Pâris opte en faveur d’Aphrodite, déesse de l’amour, qui lui promet l’amour de la plus belle femme du monde. Il enlève donc Hélène et la ramène à Troie. Pour venger cet affront, Ménélas demande l’appui de son frère, Agamemnon, qui prend la tête de tous les Grecs pour s’en aller assiéger Troie.
Iphigénie – Avant que la flotte d’Agamemnon ait pu lever l’ancre, les vents s’arrêtent soudain, immobilisant les navires à Aulis. C’est qu’Agamemnon a offensé la déesse Artémis en prétendant avoir tué une biche avec une adresse que la déesse même n’aurait pu égaler. Le devin Calchas annonce alors que la colère de la déesse ne saurait être apaisée que par le sacrifice d’Iphigénie, fille d’Agamemnon lui-même. Ce à quoi Agamemnon finira par consentir, provocant la haine de Clytemnestre.
Agamemnon – Après la guerre de Troie, qui aura duré vingt ans, Agamemnon revient en son royaume de Mycènes où il est aussitôt assassiné – ainsi que Cassandre, son esclave et concubine, fille de Priam qui reçut de son amant Apollon le don de prophétie, puis fut condamné par le même a n’être jamais crue, une fois qu’elle l’eut repoussé – Agamemnon assassiné par Clytemnestre, aidée en cela par celui qui est devenu son amant, Egisthe (le même fils de Thyeste qui ayant tué Atrée avait rétabli son père sur le trône de Mycènes, avant que celui-ci fut récupéré par Agamemnon).
Electre – Poussé par Electre, Oreste venge la mort de son père en assassinant Clyemnestre, sa mère.
Les Euménides – Poursuivit par les vieilles divinités vengeresques que sont les Erinyes, mais protégé par Apollon, Oreste demande l’arbitrage d’Athéna en sa ville d’Athènes. La déesse réunit l’Aéropage et obtient l’acquittement d’Oreste en offrant aux Erinyes de devenir les divinités protectrices d’Athènes, gardiennes de la justice. Elles deviennent alors les Euménides, « les Bienveillantes », et ainsi finissent les temps barbares en même temps que le destin tragique de la maison des Atrides, poursuivie par une malédiction ancestrale.
Andromaque – Pas tout à fait. Hermione, fille de Ménélas et d’Hélène, avait été promise à Oreste. Mais après la guerre de Troie, ce fut Pyrrhus, fils d’Achille, qui l’obtint. Mais ce dernier la délaissa au profit d’Andromaque, la veuve de ce fils valeureux de Priam, héro de Troie tué par Achille, Hector dont elle eut Astyanax et auquel elle demeure irrévocablement fidèle. Hermione, furieuse d’être ainsi méprisée, incite Oreste qui soupire après elle à tuer Pyrrhus. Oreste s’éxécute – et éxécute donc son rival – faisant le malheur d’Hermione qui met fin à ses jours, réduisant le maudit Oreste à sa folie.
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La malédiction des Labdacides
Tout commence là aussi par Pélops, père de Thyeste et d’Atrée. Laïos, fils de Labdacos, fut chargé par Pélops d’apprendre à conduire un char à son fils, Chrysippe, qu’il eut de la nymphe Danaïs. Laïos tomba amoureux de son élève et l’enleva pour en faire son amant. Cela se sut, Hippodamie, la femme de Pélops et mère de Thyeste et d’Atrée, demanda à ses jumeaux Atrée et Thyeste de tuer Chrysippe, et Pélops appela sur Laïos la malédiction d’Apollon.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Devenu roi de Thèbes et ayant épousé Jocaste, Laïos reçoit de Delphes un oracle l’avertissant que si un héritier mâle venait à lui naître, celui-ci tuerait son père et épouserait sa mère. Prudent, Laïos renonce à toute relation physique avec son épouse. Jusqu’à ce qu’une nuit, sous l’emprise de la boisson, il s’accouple avec Jocaste et engendre Œdipe. Pour conjurer l’oracle, Laïos et Jocaste décident d’abandonner leur fils et pour s’assurer qu’il meure prennent soin de lui lier les pieds. Mais un berger vient à trouver l’enfant, qu’il confie au roi de Corinthe, Polybe, et sa femme Mérope, qui l’élèvent comme leur propre fils et se gardent de lui révéler le secret de ses origines. Ils lui donnent le nom d’Œdipe qui signifie « celui qui a les pieds enflés », ou le boiteux.
Des années plus tard, consultant Apollon, Œdipe apprend la malédiction qui pèse sur lui : il tuera son père et épousera sa mère. Se croyant le fils de Polybe et Mérope, il décide de fuir loin de Corinthe afin de déjouer la malédiction. Ce faisant, il prend la direction de Thèbes. En chemin, il croise un convoi, une altercation se déclenche et Œdipe tue un homme dont il ignore qu’il se nomme Laïos.
Parvenu à Thèbes, Œdipe découvre que la ville est soumise à la tyrannie du Sphinx, qui ravage les champs et terrorise la population. Ayant appris des Muses une énigme, la créature déclare qu’elle ne quitterait la province que lorsque quelqu’un l’aurait résolue, et tuerait quiconque échouerait à le faire. Créon, frère de Jocaste et régent de la ville depuis la disparition de Laïos, promet la main de la reine et la couronne de Thèbes à qui débarrasserait la Béotie de son fléau. De nombreux prétendants s’y essaient, mais tous périssent jusqu’à l’arrivée d’Œdipe, le sage, qui réussit, devient roi de Thèbes… et épouse Jocaste.
Œdipe roi – Œdipe et Jocaste ont quatre enfants, Etéocle, Polynice, Antigone et Ismène. Puis la malédiction des Labdacides reprend son irrésistible cours. La ville de Thèbes est décimée par la peste. Consulté, l’oracle de Delphes annonce que l’épidémie ne saurait cesser tant que ne sera pas mis fin à la souillure constituée par l’impunité dont jouit le meurtrier de Laïos. Œdipe s’engage à débusquer l’assassin, finit par découvrir qu’il ne s’agit de nul autre que lui-même et découvre par la même occasion que Laïos était son père et que Jocaste est sa mère. Cette dernière choisit de se pendre, tandis qu’Œdipe pour se punir de son aveuglement se crève lui-même les yeux et se condamne à prendre la route de l’exil.
Œdipe à Colone – Antigone choisit d’accompagner son père et de lui servir de guide. Après une longue errance, ils arrive non loin d’Athènes, à Colone, dans un lieu de culte où sont vénérées les Érinyes et où ils reçoivent la protection de Thésée, roi d’Athènes. Pendant ce temps, Polynice, qui s’est vu dépossédé par Etéocle de ses droits sur le trône de Thèbes, sur laquelle il avait été convenu que les deux frères régneraient en alternance, a réuni une armée (composée de sept chefs pour les sept portes de Thèbes) et s’apprête à prendre la ville par les armes. L’oracle de Delphes ayant désormais annoncé que le lieu où reposerait Œdipe serait protégé de toute invasion, Etéocle envoit Créon auprès d’Œdipe afin de le ramener de gré ou de force jusqu’à Thèbes. Quant à Polynice, il tente également de se rallier son père. Mais Œdipe se refuse à l’un comme à l’autre et les maudits, prédisant qu’ils se donneront mutuellement la mort. Aidé par Thésée, Œdipe reste à Colone, où il meurt, permettant à Athènes de bénéficier de sa protection.
Les Sept contre Thèbes – Antigone rentre à Thèbes et tente vainement d’empêcher la guerre. Aiguisé par un Créon avide de pouvoir, la haine des deux frères ne saurait leur permettre de s’entendre. Les deux frères s’entretuent et Créon obtient le trône.
Antigone – Créon ordonne des funérailles solennelles pour Étéocle et proclame l’interdiction à tous les thébains d’accorder une sépulture à Polynice. Antigone s’oppose, seule, à cette décision qu’elle juge indigne, contraire à la loi des Dieux. Refusant de se soumettre et contrevenant à l’interdiction, elle est condamnée par Créon à être enterrée vivante dans le tombeau des Labdacides. Antigone met fin à ses jours par pendaison juste avant l’arrivée d’Hémon, son fiancé, fils de Créon, qui venant pour la sauver se tue sur le cadavre de celle qu’il devait épouser. En apprenant la mort de son fils, Eurydice, sa mère, se suicide et Créon reste seul, anéanti et aspirant à une mort rapide. Il se tuera peu après.
Source : Sous l’oeil d’Œdipe |