Une démocratie qui a oublié que les mots sont tout
Nicolas Sarkozy a libéré la parole, les paroles, celle du jeune pêcheur comme celle du visiteur dégoûté du Salon. La grossièreté de l’une et de l’autre n’est que la conséquence de la volonté théorisée et affichée de tourner en dérision l’apparat intime qui exige réserve, modération et contrôle de soi pour pouvoir tout permettre, et se permettre. Les répliques du président s’inscrivent dans un espace qu’il a « déconstruit » et qui lui ressemble.
L’hostilité choquante du visiteur du Salon et le « pauvre con » de Nicolas Sarkozy révèlent, en dépit de leur contradiction apparente, la solidarité d’une société sans respect pour son chef et d’un chef sans considération pour ses concitoyens. Il y a là plus que l’amorce d’un processus qui risque de nous entraîner non plus vers la bienfaisante familiarité des pouvoirs scandinaves mais dans le cloaque d’une démocratie qui a oublié que les mots sont tout et d’abord le décor nécessaire à une relation républicaine, quoique antagoniste.
On aurait bien tort de rire de ces altercations dans la vie quotidienne et publique d’un chef d’Etat. C’est un peu de nous qui est insulté quand il est insulté. C’est un peu de nous qu’il insulte quand il insulte.
On peut craindre le pire devant l’expression de ces tensions aujourd’hui encore minimes. Elles sont inquiétantes comme les signes glaçants de la colère ponctuelle d’un pays qui ne se contente plus de ses exutoires légitimes et réguliers.
La démocratie, aussi, se niche dans les détails.
Par Frédéric Moreau
extrait de Marianne 2 : Les mots de trop d’un président sans piedestal
« Un président qui se livre aux altercations de bas étages, bien loin de faire rire, est le signe inquiétant d’une démocratie sans grandeur. »
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On parle de : Un tout petit président