Vous le savez, je rechigne toujours à m’en prendre directement à Ségolène Royal. Mais peut-on se taire devant son dernier mauvais coup porté contre la gauche ?
Dans mes trois précédents billets j’ai évoqué successivement l’ambition dévorante de Ségolène Royal, un Parti Socialiste qui travaillait utilement à son ancrage à gauche et un Modem qu’il s’agissait d’ignorer.
Dans le premier billet, j’expliquais que Ségolène Royal avait parfaitement compris que tout ce qui renforce le Parti Socialiste affaiblit sa propre candidature pour 2012 [et que] afin de conserver ses chances pour 2012, il lui faut contribuer à affaiblir son propre camp.
Dans le billet suivant, évoquant le Parti Socialiste, je faisais remarquer que cela faisait longtemps que l’on n’avait pas entendu venir de là un discours remettant clairement en cause le capitalisme financier et le credo libéral, que c’était une excellente nouvelle pour l’ensemble de la gauche et d’abord pour les français qui ont le plus besoin d’elle et qu’il était seulement regrettable que les Verts via Europe Ecologie se précipite pour s’en aller occuper une place devenue vacante auprès du Modem.
Enfin, à propos justement du Modem, je notais dans le troisième que si toute alliance est une possibilité a posteriori (c’est une évidence politique), celle-ci ne saurait avoir lieu que sur la base d’un rapport de forces créé par les urnes et qu’il s’agissait donc d’abord du projet et de l’ancrage dans la gauche du Parti Socialiste.
Parce qu’à trop renoncer à une véritable ambition à gauche, à trop se compromettre avec les vieilles lunes libérales, à trop brouiller le jeu politique, au point qu’on donne l’illusion que droite et gauche finalement se serait la même politique, c’est la droite qui à la fin en profite – parce que se sont les gens qui souffrent qui désespèrent et se détournent, qui ne croient plus à la possibilité que la politique puisse changer les choses.
Mais Ségolène Royal, fidèle à sa stratégie personnelle, qu’elle sait donc passer par l’affaiblissement du Parti Socialiste, ce qu’elle appelle son dépassement, a choisi de le mettre en oeuvre et par la droite. Et la voilà donc qui a de nouveau endossé l’habit un peu usé de la femme qui murmurait à l’oreille de Bayrou.
Ce faisant, d’un seul coup d’un seul, elle replace le Modem au centre du grand jeu médiatico-politique et affaiblit la position de son propre parti, dont le message à gauche se trouve brouillé – faisant ainsi le jeu de tous ceux à gauche qui se plaisent à répéter que le Parti Socialiste est vendu au libéralisme.
Mais inutile d’accabler plus longtemps une Ségolène qui ne donne plus guère d’illusions à personne, et posons lui seulement deux questions : Le Modem a-t-il pour ambition politique une rupture radicale avec le modèle économique libéral ? Et puisque d’évidence la réponse est négative, comment mettre en oeuvre un projet de rupture en s’alliant a priori avec ce mouvement, certes humaniste et démocrate, mais qui défend une ligne politique largement incompatible avec un projet de gauche ambitieux ?
Ce qui est amusant, finalement, c’est de constater que s’additionne à la dérive droitière de Ségolène Royal, la propre ambition présidentielle de François Bayrou ; double mouvement qui les conduit l’un tout contre l’autre en un endroit politiquement en suspension mais où ils finiront par se marcher copieusement sur les pieds. En 2012, ils seront l’un et l’autre candidats pas de droite mais quand même pas de gauche non plus : typiquement le genre de candidats qui a toujours favorisé les victoires de la droite !
C’est pourquoi il s’agirait à l’occasion de ces élections régionales d’en finir une fois pour toute avec la tentation centriste, cette dérive nécessairement droitière qui est encore à l’oeuvre dans une minorité agissante du Parti Socialiste. Aux électeurs de sanctionner ceux qui, comme Ségolène Royal, s’y prêtent ou prêteront : au premier tour, il s’agit tout de même de pouvoir voter franchement à gauche.
Electeurs Picto-Charentais et néanmoins de gauche, nous comptons sur vous !
Où l’on parle de : Quand Ségolène tente un dépassement par la droite
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