De l’art de la démagogie
Inutile de nier que Sarkozy est un tribun d’exception. C’est même ce qui le rend si dangereux, cette capacité à si bien maquiller ses véritables intentions que non seulement elles en deviennent attractives, mais semblent comme expurgées de leur vraie nature et des menaces qu’elles font en réalité peser sur ceux-là même qui, de bonne foi, se laissent séduire.
Pourtant, la mécanique est toute simple, et c’est cette simplicité même qui rend le discours si redoutable, tellement efficace. Voyons comment cela fonctionne :
1- Il y a deux catégories de français : c’est la base du discours de M. Sarkozy, toujours opposer deux France, l’une mauvaise et fantasmée qu’il faut stigmatiser, l’autre bonne qu’il faut aider à prospérer ;
2- Vous faites partie des gentils : c’est la deuxième phase : l’auditoire doit être convaincu qu’il est dans le camp à qui l’on va faire du bien ;
3- Les uns (les méchants) mangent sur le dos des autres (les gentils) : tout ce qui ne va pas pour vous vient de l’existence de l’autre qui vous fait du mal ;
4- « Je n’accepte pas » les agissements des méchants (ils profitent de vous) : si je suis élu, je saurai être ferme (M. Sarkozy dit beaucoup qu’il « n’accepte pas » ; on remarquera qu’il prend bien garde de ne pas être plus précis) ;
5- « Je veux » privilégier les gentils (ils sont méritants) : il y aura des privilèges et c’est à vous que je les réserve, puisque vous faites partie du camp des gentils – je suis de votre côté, votez pour moi.
CQFD
Le raisonnement de M. Sarkozy est on ne peut plus évident : pour chacun d’entre nous, le méchant c’est l’autre – c’est bien humain. Il suffit donc de déclamer avec force et emphase qu’on fera une politique favorisant les gentils et intraitable avec les méchants pour que tout le monde applaudisse.
J’inviterais pour ma part chacun à considérer que peut-être M. Sarkozy pourrait ne pas l’inclure dans les gentils et considérer alors ce que rend cette fois son discours : « Je ferais une politique qui favorisera les uns et sera intraitable avec les autres » Considérant alors que cet homme ne fait pas mystère de son attachement au libéralisme, considérant par ailleurs la politique que mène la droite depuis cinq ans, on peut aisément deviner qui sont en réalité « les uns » (les quelques-uns) et qui sont en réalité « les autres » (tous les autres).
La démagogie est l’art de plaire au peuple. Le but est que le peuple nous veuille du bien (nous donne son suffrage). Ça ne signifie pas qu’on veuille du bien au peuple, et bien au contraire.
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On parle de : Sarkozy : déconstruction d’une rhétorique