Des paroles qui s’envolent… et des écrits qui n’existent pas
Devant la tournure que prend la campagne électorale dans le prisme déformant de médias traditionnels qui semblent de plus en plus se désintéresser du fond, l’idée peut prendre de s’en aller lui-même consulter les programmes des candidats.Or s’il est assez aisé de trouver le pacte présidentiel de Mme Royal – un document téléchargeable d’une vingtaine de pages contenant une centaine de propositions détaillées, expliquées et argumentées -, on découvre bientôt que M. Sarkozy n’a pour sa part et à ce jour aucun programme présidentiel à proposer aux français.
Sur le site officiel du candidat de l’UMP, on trouve bien une rubrique « ce que je vous propose », mais il ne s’agit là, en guise d’« engagements », que d’une page à télécharger et qui affiche en format paysage, le slogan du candidat, sa photo et – sous l’accroche prometteuse : « Je veux être le Président qui tiendra ses engagements. C’est pourquoi je tiens à vous dire dès aujourd’hui quel est mon projet » – en tout et pour tout onze phrases prononcées par le candidat en différentes occasions, et aussi creuses que celle-ci qui vient en première position sur la liste : « D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu agir ». On est bien content de l’apprendre et on se prend alors à penser qu’en effet, avec Nicolas Sarkozy, tout devient possible… puisque rien n’est écrit.
On poursuit tout de même ses recherches, un peu incrédule. Et on trouve le programme de législature 2007-2012 de l’UMP, quelques sites non officiels qui tentent de récapituler les propositions de leur candidat favori, ou encore des sites d’informations, tel celui des Echos où l’on trouve sous format catalogue à la Prévert les différentes propositions du candidat Sarkozy. Certes, cela permet de s’informer un peu plus quant à ce qui nous attend si Sarkozy venait à être élu, ça permet d’aller un peu au-delà des discours clientélistes qu’il sert opportunément aux différents publics qu’il rencontre, il reste cependant que M. Sarkozy se présente aux suffrages des français sans leur soumettre un texte qui récapitulerait concrètement ses propositions et sur lequel donc il aurait à s’engager : un programme présidentiel.
Pour l’anecdote, j’ai fait une demande de programme sur le forum officiel des groupies de M. Sarkozy (forumsarkozy2007.free.fr), demande que j’ai dû réitéré une demi-douzaine de fois avant d’obtenir un lien… qui m’a conduit sur le programme de l’UMP… de Djibouti ! (véridict : c’est le post 2939 sur le forum en question).
Cela soulève deux questions importantes. D’abord, sachant que M. Sarkozy semble avoir en tête très précisément ce qu’il fera pour nous (rappelons qu’il y pense et qu’il s’y prépare depuis qu’il est tout petit), sachant qu’il soigne énormément sa communication et aussi sur l’internet, pourquoi n’a-t-il pas déjà communiquer aux français un projet sur lequel il s’engagerait formellerait ? Que contient donc ce pacte républicain dont il a parlé ? Quel est ce projet auquel il serait possible pour les français de se référer afin de voter informés – et éventuellement après l’élection, de comprendre jusqu’à quel point ils ont été bernés… Oui, la réponse est là implicite – mais y en a-t-il une autre ?
Toute la stratégie électorale de M. Sarkozy repose sur les flatteries qu’il sert aux français à chacun de ses discours, faisant croire à chacun qu’il s’occupera bien de lui. Dans cette optique, il veut évidemment éviter qu’on puisse s’attarder sur ce qui est l’essentiel : ses propositions concrètes, dont l’empreintes libérales est la négation même des promesses abstraites qu’il multiplie : car le libéralisme c’est la continuité, car le libéralisme c’est la loi des plus forts. Car chacune des mesures concrètes proposées par M. Sarkozy, mais dont on réalise qu’il se garde bien de les mettre en avant, démentent chacun des propos qu’il tient et qu’il clame d’autant plus haut en direction des français qu’ils doivent couvrir la réalité de ce qui les attend s’il venait à être élu.
La seconde question que pose cette absence de programme présidentiel formalisé du côté de M. Sarkozy, est celle du silence assourdissant des médias quant à cette anomalie. On se souvient pourtant encore comme ils prétendaient relayer l’impatience du peuple à connaître le projet de Mme Royale, jusqu’à son discours de Villepinte où elle a présenté son pacte présidentiel et énuméré ses propositions. Il ne se passait alors pas un jour sans qu’on souligne cette absence de projet du côté de la candidate socialiste. Qu’est-ce donc qui justifie cette différence de traitement ? Les journalistes seraient-ils eux aussi aveuglés par la force de persuasion de M. Sarkozy, au point que ce dernier parviendrait à leur faire même oublier qu’on se présente à une élection avec un projet concret et visible, accessible à tous et sur lequel on puisse s’appuyer pour faire un choix, des écrits sur lesquels on s’engage ? Pourquoi tant de promptitude à dégainer sur l’une et tant de clémence à l’égard de l’autre ? Cent propositions ont été annoncées par Mme Royal il y a moins d’une semaine : les journalistes s’y sont attardés combien de temps ? De quoi a-t-on parlé au lendemain du discours de la candidate socialiste, sinon essentiellement d’un sondage commandité par Paris-Match dont le patron est Arnaud Lagardère, un intime du candidat de l’UMP, puis le surlendemain d’un autre réalisé par l’Ifop, dont la présidente n’est autre que Laurence Parisot, la patronne du Medef. Pourquoi donc l’information quotidienne a autant de mal à aller au fond des programmes ?
On rêverait d’une campagne où les français se saisiraient du fond, liraient les propositions des différents candidats, les compareraient et en débattraient, une campagne qui serait à la hauteur des enjeux et à l’image de celle qui s’est tenue lors du référendum sur le projet de traité constitutionnelle européen, une campagne digne où les français auraient les moyens de débattre parce qu’ils seraient honnêtement informés. Mais il manque le programme présidentiel de M. Sarkozy. Et l’on s’abstient dans la presse traditionnelle de souligner ce manque qui dessert et appauvri le débat démocratique.
Un exemple pour finir. On pourrait vouloir comprendre et commenter cette phrase trouvé sur le site des Echos qui prétend récapituler les propositions du candidat Sarkozy, à la rubrique « logement » : « Créer un quota obligatoire de logements sociaux dans les programmes immobiliers nouveaux, dans les zones où cela est justifié« . Tout est bien entendu dans cette précision finale, dans les zones où cela est justifié. M. Sarkozy étant maire de Neuilly où le taux de logements sociaux est ridiculement bas, M. Sarkozy ayant approuvé une des premières lois voté par l’UMP après la réélection de M. Chirac en 2002, loi visant à supprimer les sanctions prévues pour les communes qui, à l’image de celle de Neuilly, ne se plient pas à l’obligation qui leur est faite de construire le quota légal de logements sociaux, il serait intéressant que M. Sarkozy puisse s’expliquer sur ce qui justifie qu’une zone soit ou non soumise à son quota de logements sociaux – quota qui n’est d’ailleurs pas précisé et dont on comprend qu’il concerne uniquement les nouveaux programmes immobiliers… On voudrait quelques précisions, sur ce point comme sur tant d’autres, que l’on soit informé et que le débat au fond puisse avoir réellement lieu, pas ce débat tronqué que nous avons déjà eu en 2002. Alors, oui décidément, ce serait bien que M. Sarkozy nous présente rapidement son programme présidentiel…
Sarkozy : Demandez le programme !
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On parle de : Programme présidentiel de Sarkozy : une étrange absence