Quand Sarkozy parle d’ouverture… d’esprit
Ce lundi soir, lors de son premier meeting de second tour, Nicolas Sarkozy, la main sur le coeur, a fait la déclaration suivante : « L’ouverture dont je veux être le candidat c’est l’ouverture de l’esprit (…). L’ouverture d’esprit, c’est être capable de prendre en considération les raisons de l’autre (…) et de le respecter même quand on pense qu’il a tort (…). Nul besoin d’être d’accord sur tout pour que chacun puisse travailler avec les autres pour le bien commun. » C’est très bien dit. C’est d’ailleurs tout le problème avec Nicolas Sarkozy, il est capable de très bien dire à peu près tout et le contraire de tout.
Il a dit également : « Nous ce que nous voulons (…) c’est simple – en tout cas à dire. On veut essayer de redresser ce pays. On veut essayer de bien faire. Et on sait que pour cela, il faudra élargir la majorité, avoir la main tendue, l’esprit de rassemblement et ne pas agir avec sectarisme. » Là encore, c’est très bien dit. Il y a dans ces paroles tout à la fois la volonté d’agir, une ambition pour le pays, une humilité face à la tâche qu’on ambitionne d’accomplir et un esprit de tolérance et de rassemblement des français. On a envie de le croire. Et s’il disait vrai ? Et s’il était réellement sincère, et pas juste ce démagogue redoutable qu’on se plaît tant à décrire ?
Mais voilà, ces paroles ont été prononcées par Nicolas Sarkozy… le 21 mars 1993 ! (la vidéo est visible ici). C’était sur France 2, au soir d’élections législatives où les amis de M. Sarkozy venaient de triompher. Quelques jour plus tard, Edouard Balladur était nommé premier ministre et nommait lui-même un de ses plus proches collaborateurs comme ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, Nicolas Sarkozy. On se souvient alors ce qu’il advint de toutes ces belles paroles qui avaient prôné le rassemblement et l’absence de sectarisme. La seule chose dont on peut créditer Nicolas Sarkozy est qu’il avait pris la sage précaution de préciser que c’était simple… en tout cas à dire.
François Bayrou ne s’y trompe plus, sans doute pour avoir pratiquer Nicolas Sarkozy dans ce même gouvernement, décrivant ce dernier comme un renard qui se couvre de plumes dans le seul but de pouvoir entrer dans le poulailler :
Les poules que le renard Sarkozy ambitionne de dévorer, ce sont les électeurs qui s’y laisseront prendre une fois encore – et il est indéniable que les plumes dont se pare Nicolas Sarkozy sont attrayantes, et séduisants les discours qu’il prononce. Il reste qu’il est le candidat de l’UMP, que son projet – il suffit de le lire pour s’en persuader – est dans l’exacte continuité de la politique menée par l’UMP depuis cinq ans – rappelons d’ailleurs, tout de même, que M. Sarkozy était membre du gouvernement (à l’Intérieur, mais aussi aux Finances), ainsi que plusieurs de ses proches, de même que l’UMP sarkoziste détenait la majorité absolue aussi bien à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat. Pour se convaincre de la réalité de la continuité que déguise Sarkozy aux français, on pourra lire avec intérêt ce court article : la rupture selon Sarkozy.
Depuis cet article, deux mois de campagne électorale se sont écoulés et l’on peut ajouter aujourd’hui que si rupture il y a, elle ne concerne en aucun cas la politique économique et sociale qu’il entend mener – et qui a conduit la France dans les pires difficultés économiques de son histoire moderne, tout en plongeant de plus en plus de français dans la précarité et l’exclusion. Si rupture il y a, elle concerne en réalité les questions de société et le positionnement idéologique : au travers de Nicolas Sarkozy, l’UMP a fait sa mue vers ce qu’il nomme « la droite décomplexée » et qui est en réalité une droite qui ne craint plus, en effet, de frayer avec l’extrême droite nationaliste, qui amalgame immigration et identité nationale, qui laisse libre court aux fantasmes du musulman qui excise à tout va et égorge des moutons dans sa baignoire, qui se satisfait d’une conception communautariste de la République, qui exprime un penchant certain vers le déterminisme génétique, qui considère que la répression est le seul traitement envisageable de la délinquance, etc…
Or j’ai la faiblesse de penser que ce sont là autant de ruptures avec le modèle républicain auxquelles une immense majorité des électeurs, y compris de la droite et du centre, n’est pas disposé à consentir, des poils de renard qui doivent impérativement demeurer à l’extérieur du poulailler républicain. Mais François Bayrou dit-il autre chose lorsqu’il déclare :
– « Son projet de société est l’opposé du mien. » ( 8 avril 2007, JDD)
– « Nicolas Sarkozy incarne une société violente qui oppose les citoyens les uns aux autres. Une société d’autant plus violente qu’il en vient à penser que c’est à la naissance que tout est joué, thèse totalement anti-scientifique et anti-humaniste. En disant cela, Sarkozy remet en cause les valeurs communes autour desquelles a été construite la société française. » (8 avril 2007, JDD)
– « Constamment chez Nicolas Sarkozy il y a cette manière d’opposer deux France », « Electoralement je ne peux pas lui donner tort. On sait très bien qu’il y a beaucoup de points à gagner dès l’instant où on se met à dresser les gens les uns contre les autres. Ca flambe, c’est un aliment électoral très important mais ce n’est pas mon choix. » (Agen 6 avril 2007)
– « Une seule polémique me paraît très grave, car elle touche aux fondamentaux de notre société : c’est celle que Sarkozy agite en prétendant que tout est joué à la naissance, la perversité comme le suicide. C’est une vision du monde qui fait peur. Le pire, c’est qu’il le pense vraiment. » et « Ce sont des propos graves et glaçants. » (avril 2007)
– «Ce qui me frappe, c’est la ressemblance de ses projets avec ceux de José Maria Aznar ou de Berlusconi. » (août 2006)
– « Je vais lui faire une confidence : c’est plus formateur (…) de savoir comme il est difficile d’assumer les fins de mois, (…) de rencontrer en sortant de chez soi autre chose que les milliardaires du CAC 40 et les vedettes du showbiz. » (Zénith 21 mars 2007)
– Il y a chez Sarkozy « une grande connivence avec les puissances d’argent (…) et la mise en scène de confrontations dures dans la société. » (août 2006)
– « Lorsqu’il s’agit de faire dériver le camp républicain vers des mots, des phrases, des affirmations, des comportements qui sont en réalité ceux de l’extrême droite, là je trouve qu’il y a une chose inquiétante pour la démocratie française. » (16 avril 2007)
– « Il y a des choses que l’histoire devrait nous interdire de remettre sur la table, comme de mélanger l’immigration et l’identité nationale. » (5 mars 2007, Nouvel Obs)
– « Que l’homme qui a été ministre de l’Intérieur pendant cinq ans ait tout le mal du monde à se rendre en banlieue, même à la Croix- Rousse ! (…) prouve bien qu’on est dans une situation d’extrême tension. » (Métro 12 avril 2007)
– « On ne peut pas assurer l’ordre et la sécurité en faisant monter les tensions. »
On parle de : Sarkozy : un renard dans le poulailler centriste