Quand Sarkozy place l’Etat nation au-dessus de la République
« Vive la République et, par dessus tout, Vive la France ! ». C’est ainsi que Nicolas Sarkozy a conclu son allocution hier soir. Cette proclamation de la supériorité de l’idée de l’Etat nation sur celle de République est tout sauf anodine. A elle seule, elle met en évidence le peu de conscience républicaine d’un candidat à la présidence de la… République et, de fait, le danger que représenterait pour la République une élection du candidat de l’UMP.
Rappelons qu’une république est une forme de gouvernement d’un Etat ou d’un pays dont la souveraineté est détenue par le consentement populaire et dans lequel le chef d’Etat est élu par le peuple. Rappelons aussi que la République Française est le nom officiel de la France, de son Etat et de son régime politique. Elle est l’héritage de la révolution française depuis la proclamation de la première République en 1792. Rappelons enfin qu’il n’y eut depuis lors que trois périodes durant laquelle la France cessa d’être une République :
– entre 1799 et 1848 : après le coup d’Etat du 18 brumaire, Napoléon Bonaparte devint Premier Consul, puis Empereur, avant que ne soit restaurée la Monarchie :
– entre 1852 et 1870 : après le coup d’Etat du 2 décembre 1851, Louis-Napoleon Bonaparte instaura le 2nd Empire ;
– entre 1940 et 1945 : sous le régime de Vichy du Maréchal Pétain, la France abandonna le terme de République française en faveur de celui d’Etat français. Les instances politiques mises en place par Charles de Gaulle à Alger ont rétabli l’emploi du siggle « RF » et son comité Français de Libération Nationale a pris en juin 1944 le nom de « Gouvernement provisoire de la République Française ».
En plaçant la France en tant que telle au-dessus de la République, Nicolas Sarkozy ne peut mieux laisser entendre que d’avantage que Président de la République, il aspire avant tout à devenir chef de l’Etat – monarque, empereur ou petit père de la Nation, cela reste encore à voir, mais l’on comprend qu’au gré des circonstances et des crises, il saurait faire son choix, fût-ce au détriment de la République, c’est-à-dire de ce consentement populaire souverain.
On ne dit pas ici que Nicolas Sarkozy aspire à la dictature, il saurait évidemment se contenter d’être président de la République. On prétend que ce sont les crises et la fragilité des convictions républicaines d’un dirigeant politique qui portent en elles les germes de la dictature, ou du moins de l’abus de pouvoir jusqu’à sa confiscation. On dit ici que la conscience républicaine d’un Sarkozy pourrait rapidement se trouver balayée par le souffle des évènements (révolte des quartiers difficiles, terrorisme international…). On dit qu’un homme qui s’est montré prêt à tout pour parvenir au pouvoir pourrait bien céder sur les principes républicains pour le conserver, au détriment du peuple et de sa souveraineté.
Quand on ajoute à cela son flirt outrancier avec l’extrême droite, sa propension à la démagogie et au populisme, son penchant pour la stigmatisation et les amalgames, sa vision communautariste de la Nation, sa conception des libertés individuelles en général et de la liberté de la presse en particulier, son instabilité mentale, sa tendance à l’emportement et ses affinités avec les thèses eugénistes, on se dit que beaucoup trop d’éléments sont réunis en un seul et même homme pour ne pas craindre ce qui, les circonstances faisant office de catalyseur, pourrait advenir s’il venait à obtenir ce pouvoir qu’il ambitionne, et ce avec tant de détermination qu’elle semble parfois confiner à l’obsession.
L’évidence est qu’il existe un faisceau de présomptions dont chacune recèle en elle-même le risque d’une dérive vers une forme de dictature. Et si le pire n’est jamais certain, l’Histoire mondiale est là pour rappeler à nos mémoires qu’il est des risques qu’un peuple ne devrait jamais prendre. Le 6 mai, quoi qu’on en dise, c’est aussi de cela qu’il s’agit et les français, quelles que soient par ailleurs leurs inclinations politiques, auraient grand tort de balayer d’un revers de main les doutes que l’on peut raisonnablement nourrir quant à la capacité de Nicolas Sarkozy à être le garant inflexible de nos institutions républicaines et démocratiques.
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