Sarkozy : échec et dissimulation
Finalisé en décembre 2006 après deux mois d’étude et de rencontres avec des acteurs municipaux, policiers ou magistrats du « 9.3 », d’où sont parties les émeutes de 2005, un rapport de l’Institut National des Hautes Etudes de Sécurité (INHES), qui dépend du ministère de l’Intérieur, dresse un constat accablant des relations entre police et population en Seine-Saint-Denis et évoque un « climat d’insécurité permanent », susceptible de s’envenimer encore.
Les auteurs de ce rapport indiquent que « les relations actuelles entre la police nationale et la population » en Seine-Saint-Denis « sont difficiles et empreintes de tensions évidentes« . Ils évoquent une « déferlante de violence » avec un « nombre croissant de mineurs » mis en cause dans la délinquance, une « dégradation« , voire « parfois une césure » police/population. L’état réel de la délinquance « révèle une face cachée significative d’un profond malaise » : une « hausse considérable des violences« , une « baisse discutable des faits constatés« , une « violence endémique« .
La police se concentre trop sur la lutte contre les stupéfiants ou les clandestins, affirme par ailleurs l’étude, dénonçant une « hausse artificielle » de ses taux d’élucidation, qui donnent « une image agressive » des forces de l’ordre. Est souligné un « décalage » entre la « suractivité permamente » de la police et les « réalités subies par la population« . Le « 93 », soutient l’étude, est dans une situation de « marginalisation croissante » avec une « délinquance hors normes« . Un « fossé se creuse avec les autres départements » notamment pour ce qui est des faits violents constatés. L’étude constate par ailleurs un « faible taux de plaintes » et également une « faible réponse judiciaire vécue, selon les acteurs de terrain, par la population et la police« .
Tous les éléments mis en avant dans l’étude ont pour conséquence un « climat d’insécurité permanent entre la police et les habitants des quartiers sensibles« . L’INHES demande de « prendre en compte le contexte dans lequel vivent » les « populations fragilisées » du « 93 » sur les plans économique et social et regrette qu’il n’y ait pas eu « d’analyse » des violences urbaines ou que la police soit perçue comme « partiale » du fait parfois de son « attitude irrespectueuse« , à cause des « tensions« .
Quelles sont les solutions ? Il faut « renouer les liens avec la population des quartiers« , « réorganiser le travail de la police et de ses techniques d’intervention« . Un train de mesures est préconisé comme l’accueil dans les commissariats, une « doctrine d’emploi » des policiers et particulièrement des CRS. La police de proximité, dit aussi l’étude, a eu des « effets positifs incontestables » dans certains secteurs. Elle observe en conclusion que « les policiers ont ressenti une dégradation des rapports » après les émeutes de 2005.
Sur ce rapport, le syndicat de police Alliance a dénoncé dimanche une « certaine pression de la hiérarchie sur les policiers » en Seine-Saint-Denis, selon Jean-Claude Delage, secrétaire général du deuxième syndicat de gardiens de la paix, pour qui si « les policiers ne sont pas contre la politique du résultat » insufflée par Nicolas Sarkozy quand il était ministre de l’Intérieur, « il ne faut pas confondre avec l’abattage qui leur est parfois demandé, pour faire du chiffre sur les procès-verbaux, par exemple ce qui est mal ressenti par la population« . Pour Synergie, deuxième syndicat d’officiers de police, « la population en Seine-Saint-Denis attend une réponse judiciaire » à l’insécurité. Enfin, le Syndicat national des officiers de police (Snop – majoritaire) a déclaré dimanche que la situation décrite par le rapport est « une réalité que (son) syndicat a déjà dénoncée » : « Il y a des tensions de plus en plus vives en Seine-Saint-Denis« , a déclaré le secrétaire général du Snop, Dominique Achispon, « et les officiers subissent dans ce département des pressions tant au niveau des chiffres, du résultat, que de leurs conditions de travail qui se dégradent« .
La « mission d’étude » de l’INHES a transmis son rapport en début d’année au ministère de l’Intérieur. On peut s’étonner – ou bien au contraire ne pas s’en étonner – que les conclusions de ce rapport, accablantes pour Nicolas Sarkozy, dont le bilan au ministère de l’Intérieur apparaît soudain sous un jour à la fois plus réaliste et tout à fait catastrophique, ne sont portées à la connaissance du public qu’aujourd’hui, soit après les élections présidentielles. Pour Ségolène Royal, les choses semblent très claires : « Ce rapport a été caché parce qu’il établissait des réalités qui n’étaient pas bonnes à dire. Je crois aussi que le bilan dont Nicolas Sarkozy s’est targué est beaucoup moins bon que ce qu’il a dit« .
Madame Royal, résolument installé à la tête de l’opposition, s’est alors directement adressé au nouveau président de la République pour le sommer de mettre en application les conclusions du rapport, notant au passage que « le préfet avait déjà tiré la sonnette d’alarme il y a un an et le ministre de l’Intérieur à ce moment-là, qui est l’actuel président de la République, l’avait réduit au silence« . Selon l’ancienne candidate aux élections présidentielles, le rapport sur la sécurité en Seine-Saint-Denis « prouve très clairement que la police de quartier et la police de proximité sont des solutions pour établir l’ordre juste« . « Je demande au président de la République d’abord pourquoi ce rapport a-t-il été caché si longtemps et quelles sont les décisions qui vont être prises sans tarder pour rétablir des moyens aux fonctionnaires de police » comme « pour rétablir le lien de confiance entre la police et la population« , a-t-elle ajouté, insistant par ailleurs sur les modalités de la future publication de ce rapport, publication qu’elle appelle de ses voeux .
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On parle de : Constat accablant à propos des rapports police-population dans le « 9.3 »