Enfin !
Ce soir, les militants socialistes sont appelés à voter pour l’une des six motions qui sont proposées à leur sagacité politique. Et demain matin, nous sauront s’ils se sont mobilisés et s’ils ont osé le changement à gauche?
Socialistes, Mobilisez-vous ! Cette élection est cruciale, en ce qu’elle constitue le premier pas dans une marche en avant qui, en 2012, aura conduit la gauche à la victoire, enfin la victoire, ou bien à une nouvelle défaite cuisante. Un premier pas ce soir qui détermine une direction pour demain.
C’est que le résultat des votes des militants ce soir sera déterminant quant à la tonalité que prendra le congrès qui se tiendra à Reims les 14, 15 et 16 novembre prochains et à l’issue duquel le PS se sera doté d’une ligne politique, synthèse partielle ou totale entre les différentes motions (puisqu’aucune ne semble seule être en mesure dépasser la barre des 50%). Ensuite, et seulement ensuite, il s’agira d’élire un premier secrétaire – et en réalité une équipe de direction, un secrétariat national, lequel sera alors en charge d’organiser la refondation politique du PS, de conduire les socialistes dans la rédaction d’un projet nouveau et ambitieux, à même de séduire les français en leur offrant l’espoir d’une alternative crédible au libéralisme destructeur de la sarkofrance, et de préparer les élections à venir – européennes, régionales et présidentielles.
Socialistes, Osez le changement de projet ! Il ne s’agit pas de jouer avec les mots, mais de regarder la réalité : c’est la même inspiration sociale-démocrate qui a présidé à l’élaboration des projets de Jospin en 2002 et de Ségolène Royal en 2007 et dont les français n’ont pas voulu. Et c’est encore la même inspiration sociale-démocrate que l’on retrouve dans les motions de Martine Aubry, Bertrand Delanoë et Ségolène Royal. Faut-il réellement persister dans l’erreur ?
Il ne s’agit pas de dire, par exemple et parce que c’est ce mois-ci dans l’air du temps, que le modèle social-démocrate est périmé, tout en rédigeant et signant une motion sociale-démocrate avec les plus sociaux-démocrates des sociaux-démocrates du PS – ce que sont les Collomb, Guérini et Valls, au point même qu’ils se réclament plus volontiers d’un social-libéralisme éventuellement sarko-compatible. Il s’agit de constater que la sociale-démocratie ne suffit pas, n’a jamais suffit à endiguer le rouleau-compresseur du libéralisme, et d’en tirer les conséquences en en proposant son dépassement.
C’est que la sociale-démocratie est en réalité le mal d’un socialisme complexé, qui devant la pensée dominante libérale choisit de reculer plutôt que de chercher à se réinventer, à adapter sa pensée et ses propositions aux exigences d’un monde qui a considérablement changé. La sociale-démocratie était la réponse en-dedans à l’absence criante d’un socialisme moderne, elle était à gauche l’alternative à un socialisme archaïque. La sociale-démocratie était le pis-aller crédible de la gauche. Elle ne suffisait pas, ne pouvait suffire et elle a donc échoué : avec ou sans elle, la vague libérale a continué de déferler sur les économies – et de plus en plus souvent sans elle parce qu’elle a fini par d’abord échouer électoralement, parce que les électeurs avaient compris qu’elle ne suffirait pas.
Socialistes, Osez la gauche ! Pendant longtemps, donc, il s’agissait d’hésiter entre une gauche complexée, sociale-libérale, et une gauche archaïque, inapte. On pouvait soit fermer les yeux sur les archaïsmes et voter avec son coeur, mais en vain, ou bien choisir la raison et voter la mort dans l’âme, sans illusion. Nous ne sommes plus dans cette situation. Aujourd’hui, le socialisme est en position de pouvoir se réinventer, de redevenir une idée d’avenir, de proposer une alternative réellement ambitieuse et cohérente, en phase à la fois avec son époque et avec son idéal.
Il ne s’agit pas de dire que la motion C de Benoit Hamon est la réponse, tout ne s’y trouve pas et loin s’en faut, mais ce texte est le seul à ouvrir sur cette possibilité d’une gauche enfin réinventée ; des pistes y sont ouvertes, des propositions y sont faites et qui s’articulent avec cohérence ; un souffle et une ambition la traverse qui permettraient aux socialistes d’avancer dans la bonne direction et d’espérer aboutir à un projet enfin apte à répondre aux crises sociales et environnementales que nous traversons et qui sont les fruits des crises économiques et financières auxquelles ont conduit un libéralisme moribond.
Du poids qu’aura obtenu la motion C, et exclusivement du poids de celle-ci – tout le monde s’en rend bien compte -, dépend la tonalité future des travaux de reconstruction du PS et de son projet. Qu’elle obtienne un score faible et il ne s’agira que de replâtrer encore une fois, un peu ici et un peu là, le projet social-démocrate, et alors la gauche pourra s’attendre à subir un nouveau revers dont les français les plus en difficultés seront les premières victimes. Qu’à l’inverse les socialistes osent bousculer l’ordre établi et accordent massivement leurs suffrages au changement, à la volonté d’un changement radical – non, ce n’est pas un gros mot – qui s’exprime dans la motion C, et alors l’espoir à gauche d’une alternative utile pourra enfin renaître. Et nous savons tous, tant le monde va mal, que c’est pour nous et pour tous une exigence.
Socialistes, Osez le changement de génération ! Une des forces de la démocratie américaine réside dans ce qui est aussi un de leurs grand défaut, le culte du vainqueur et la déchéance des vaincus. C’est parce qu’il est là-bas quasi impossible à celui qui a perdu une élection de se représenter à nouveau, qu’un Clinton ou un Obama ont eu la possibilité d’émerger. Ils n’ont pas besoin d’oser le renouvellement du personnel politique, ils y sont contraints.
Dans une certaine mesure, nous avons en France le problème inverse : une prime considérable est accordé aux anciens, auxquels nous rivons nos regards, au point que de nouveaux talents ont toutes les peines à émerger et que notre personnel politique semble aujourd’hui largement figé; et nous avons ce sentiment d’avoir depuis des décennies sous les yeux toujours les mêmes têtes, ce sentiment d’une vie politique verrouillée, sclérosée – sentiments peu propices à susciter l’enthousiasme ou même, a minima, l’envie.
L’image du PS est aujourd’hui dans l’opinion française tout à fait déplorable. Les français attendent d’abord de nous – si même ils attendent encore quelque chose – du changement, la preuve que nous avons finalement pris conscience de nos errements passés – et il ne serait que temps ! Car il serait à ce titre désastreux qu’à l’issue de ce congrès l’on retrouve les mêmes aux commandes du Parti Socialiste. A l’inverse, il faut imaginer la force symbolique – et nous en avons besoin – qu’aurait dans l’opinion une situation où les vieilles motions des barons socialistes – les Hollande, Collomb, Fabius, Royal, Delanoë, Aubry… – seraient concurrencées sinon devancées par la motion portée par Benoit Hamon, une situation qui permettrait, au travers d’une synthèse heureuse, l’émergence d’une nouvelle génération de dirigeants, une situation propre à l’éclosion de nouveaux talents et donc à la résurgence d’une nouvelle espérance à gauche.
Il ne s’agit pas seulement que de Benoit Hamon ou de sa jeune équipe. J’ai déjà dit, par exemple, que l’avènement d’un Vincent Peillon au poste de premier secrétaire serait à même de participer au changement que les français attendent de nous, et qu’exige de nous les crises économiques et financières, sociales et environnementales, qui secouent durement la planète et ses habitants. Mais il se trouve que, pas tout à fait paradoxalement, la possibilité Peillon, toujours par exemple, ne saurait passer que par un score important de la motion C – et a contrario, pour cet exemple mais il en est d’autres, un score important de la motion E ne pourrait que laisser Vincent Peillon dans l’ombre de Ségolène Royal et entre les mains des barons de la sociale-démocratie avec qui elle a choisi de faire alliance.
Ce dont il s’agit, ce soir, c’est de créer une situation nouvelle, un rapport de forces différent qui permette que se cristallise une synthèse qui respire le changement et le renouveau. Et de toute évidence, cela passe par la motion C. Socialistes, oser est désormais une exigence et en même temps une possibilité, une chance que nous avons le devoir de saisir. Et c’est ce soir !
Où l’on parle de : Socialistes, osez le changement