Nicolas est fâché. Les parlementaires socialistes n’ont pas répondu favorablement à son appel au boycott du Congrès de Versailles. 115 sénateurs et 204 députés se sont concertés, ont discuté, débattu et pris la décision, à la quasi unanimité – 2 votes contre et 2 abstentions -, d’être présents à Versailles le 22 juin « parce que nous respectons l’institution », mais de ne pas participer au débat « en signe de protestation ».
Nicolas est donc très fâché et explique que leur décision c’est parce que ce sont tous des notables, accrochés à leurs postes, incapables de prendre le sens du vent et qui oublient de faire de la politique au quotidien. Et en conclusion, Nicolas enfonce le clou : « Ils sont tous identiques ».
Plus de 300 parlementaires socialistes, hommes et femmes, de tous âges, de formations différentes, avec des parcours différents, des sensibilités politiques différentes, venus de toutes les régions de France, élus à la ville ou à la campagne… Tous identiques ? Tous notables ?… Vraiment ?
Prenons un exemple, un seul : Aurélie Filippetti, 36 ans, élue en Moselle, proche de Ségolène Royal, ancienne membre des Verts, fille d’un mineur communiste, agrégée de lettres classiques, enseignante et écrivain, serait notablement identique à un Jack Lang ?
Soyons sérieux !
Je crois qu’il est toujours dangereux pour la démocratie de donner dans ce genre de généralités faciles sur la classe politique, façon « tous pourris » ou « tous notables », et laissant supposer que de manière générale tous manqueraient de convictions politiques, n’auraient finalement d’autre engagement que celui de faire carrière.
Les blogueurs de gauche – et même de droite – paraissaient plus nombreux à soutenir l’idée d’un boycott. Ils ont donné leurs arguments, lesquels sont tout à fait recevables. D’autres en ont donné de différents, tout à fait recevables également, pour se prononcer contre cette idée. Mais je me demande bien ce qui ferait qu’un blogueur politique serait davantage à même de sentir le sens du vent qu’un élu.
Cela rejoint là une petite discussion qui s’est tenue dans le cénacle des Left-Blogs à propos des « vrais gens » que les politiques seraient supposés ne pas connaître. J’avais fait remarqué que de manière générale, pour la plupart d’entre nous – les gens ordinaires -, quelle que soit notre profession et notre lieu de résidence, nous rencontrons essentiellement des gens qui nous ressemblent : ils sont de notre famille, ils travaillent avec nous, ils habitent la même commune que nous, le même quartier, fréquentent les mêmes bistros, ce sont nos potes de lycée, de fac…
ou de blogging. Et aussi varié soit-il – quand il est varié et ce n’est pas toujours le cas… – notre panel de « vrais gens » est finalement assez réduit, représentatif que d’une partie du tout.
Les politiques, quant à eux, rencontrent toute l’année toutes sortes de « vrais gens », sur les marchés, dans leur permanence d’élu, à l’occasion de la visite d’une usine… Je ne suis pas certain qu’ils peuvent dire qu’ils connaissent les « vrais gens », mais sans doute pas moins que nous – les gens ordinaires, fussent-ils bloggeurs zinfluents….
Mais revenons à nos moutons notables.
Et si une large majorité de français était tout simplement, par ce légitimisme qu’on connait au peuple, opposée à l’idée d’un boycott du Congrès…
Et si dès lors que la Constitution a été très légitimement modifiée afin de permettre au président de venir s’y exprimer, les français trouvaient tout simplement légitime que Sarkozy se saisisse de cette opportunité et se seraient offusqués que des parlementaires, qui sont les représentants du peuple, décident de ne pas les y représenter…
Et si les parlementaires socialistes avaient tout simplement décidé d’assumer la charge du mandat qui leur a été confié par le peuple, aussi déplaisant soit cette charge en cette occasion…
On pourra se référer à ce sondage pour admettre cette éventualité – 70% des français pour la possibilité pour le Président de prendre la parole en Congrès…
Cela ne signifie pas que les parlementaires socialistes ont pris la bonne décision, ou qu’on ne puisse être en profond désaccord avec eux et l’exprimer fortement. Moi-même je pense que s’il leur fallait y aller, il leur faut également ne pas se sentir contraints par la solennité de l’exercice : dès lors que le président de la République a modifié la Constitution afin d’avoir la possibilité de descendre dans l’arène parlementaire, l’institution présidentielle a changé de nature et il devient légitime que les parlementaires puissent éventuellement chahuter politiquement le président. Et je serais navré que les élus de gauche ne se saisissent pas de cette opportunité de représenter la colère du peuple et ses aspirations.
Il reste que, quoi qu’il en soit, je ne crois pas utile de réduire plus de 300 parlementaires à de petits notables uniquement préoccupés par leur réélection, voire à des cons qui ne comprendraient pas que s’opposer trop passivement est précisément le meilleur moyen de ne pas être réélus.
Où l’on parle de : Les vrais gens et les petits notables