Une question à Nicolas Sarkozy
Le discours de M. Sarkozy est séduisant, c’est un fait. Il est évident que l’homme manie la langue de bois avec une habileté toute diabolique. Pourtant, pas plus que pour sa prestance physique on ne devrait voter pour un homme politique pour la prestance de son langage. Il s’agit de bien plus sérieux que cela, il s’agira de la mise en oeuvre d’une politique, et avant cela donc il s’agit d’être ou non « séduit » par un programme politique. Que va-t-il faire en réalité ? Quelles en seront les conséquences et pour qui ? Est-on politiquement en accord avec cela ?
Un matraquage de « il faut que », de « je n’accepte pas que » et de « je veux que » ne peuvent suffire à nous convaincre, ne doivent pas nous masquer la réalité d’un programme et l’épreuve des faits. On ne gouverne pas un pays avec des pétitions de principe et des déclarations velléitaires, on met en oeuvre une politique. M. Sarkozy qualifie son programme de « rupture », c’est son droit. Pourtant, il est assez aisé de constater deux choses :
La première est que depuis cinq ans la France est engagée sur la voie du libéralisme que souhaite la droite et que ne renie pas M. Sarkozy, bien au contraire. Combien de français peuvent dire que leur situation personnelle s’est améliorée depuis cinq ans ? La pauvreté a-t-elle reculée ? La richesse est-elle mieux partagée ? Les libertés ont-elles progressé ? Le pouvoir d’achat a-t-il augmenté ? Les services publics sont-ils plus efficaces ? La justice est-elle plus performante ? La criminalité a-t-elle reculé ? Vivons-nous mieux ensemble dans une société plus prospère et plus apaisée ? En a-t-on terminé avec la « fracture sociale » ?…
La seconde est qu’il n’y a rien dans le programme de M. Sarkozy qui entre réellement en rupture avec cette politique qui a été mené pratiquement sans entraves ces cinq dernières années, par des gouvernements successifs où M. Sarkozy était partie prenante, et avec l’appui des parlementaires où les amis politiques de M. Sarkozy détiennent une majorité absolue. Il suffit de lire son programme et les propositions concrètes qu’il contient pour comprendre qu’il s’agit d’avantage d’une continuité, voire d’une amplification, que d’une rupture. On se demande par quel miracle le sort des français s’en trouverait cette fois améliorée.
La campagne que mène M. Sarkozy consiste à étendre l’écran de fumée de ses beaux discours devant la réalité de la politique qu’il entend effectivement mener, afin notamment de dissimuler qu’elle se place dans l’exacte continuité de celle qu’il mène avec ses amis depuis cinq ans. Afin de dissiper ce brouillard de séduction, il serait sans doute utile qu’on pose une question, une seule, à M. Sarkozy : « Au delà de votre discours sur la rupture, pouvez-vous, M. Sarkozy, extraire de votre programme deux mesures concrètes – l’une sociale, l’autre économique – qui ne soient pas l’exacte prolongation idéologique de la politique mise en oeuvre en France depuis cinq ans ?«
Débarrassés alors de l’écran de fumée que M. Sarkozy s’efforce d’étendre devant leurs yeux à force de matraquage rhétorique, il ne restera plus aux français qu’à se demander si l’intervention de cette main invisible en laquelle feigne de croire les apôtres du libéralisme permettra de faire qu’ils puissent bénéficier cette fois-ci d’une miette des retombées que les amis politiques de M. Sarkozy, ainsi que lui-même, ne cessent depuis des années de leur promettre, et sans que cela n’arrive jamais.
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On parle de : Rupture ou continuité ?