Le Ministre des Cultes abandonne son devoir de neutralité
Alors que Charlie Hebdo, poursuivi après la publication de caricatures du prophète Mahomet pour « injures publiques envers un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion » par la Grande mosquée de Paris et l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), deux composantes du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), répond depuis ce matin de ces accusations devant le tribunal correctionnel de Paris, Nicolas Sarkozy affirme dans une lettre lue à l’audience par l’un des avocats de l’hebdomadaire satirique : « Je tiens à apporter mon soutien à votre journal qui s’inscrit dans une vieille tradition française, celle de la satire ».
Ce soutien ne serait pas surprenant de la part d’un candidat à la Présidence de la République. Il serait le bienvenu de la part d’un chef de parti politique, ou de tout responsable politique en général. Il aurait même été tout à fait pertinent s’il ne survenait à l’occasion de l’ouverture du procès, alors même que la justice est en charge de se prononcer. Car M. Sarkozy n’est pas seulement président de l’UMP et candidat à la présidence de la République, il a choisi en sus de s’accrocher à son portefeuille de ministre. A ce titre il reste contraint au devoir de réserve qui s’impose à tous les ministres en vertu de la séparation entre les pouvoirs exécutif et judiciaire. Mais il n’est pas non plus à la tête de n’importe quel ministère, il est Ministre d’Etat, Numéro 2 du gouvernement, Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire, et à ce titre en charge des questions liées aux cultes. Bref, il est plutôt trois fois qu’une soumis à un devoir de réserve lorsque s’ouvre un procès où les rapports de la sphère publique avec le culte sont en cause.
Il faut donc s’intéresser aux motivations de M. Sarkozy pour avoir choisi de manquer de manière aussi flagrante au devoir que lui impose sa charge. Et quelles sont-elles sinon une fois de plus électorales ? Le candidat n’ignorait pas que ce soutien du Ministre chargé des cultes ne manquerait pas non seulement d’attirer à lui les projecteurs, mais surtout de provoquer une réaction puissante de la part du CFCM, laquelle réaction ne pourrait lui être électoralement que bénéfique. Il ne l’ignorait pas et donc il l’a provoquée – d’autant plus que ces Messieurs devaient être à cran depuis que deux jours plus tôt le même Sarkozy les avait renvoyés en bloc à l’image « des moutons que l’on égorge dans les appartements » (où l’on se rend compte que l’homme n’en est pas à une provocation près…).
Où l’on comprend surtout et une fois de plus que lorsqu’il est question de son ambition personnelle, M. Sarkozy ne se connaît aucune limite. Où est illustré une fois de plus combien est immensément béant le fossé entre les discours d’un candidat qui affirmait il y a peu qu’il serait le « candidat de l’éthique » et la réalité des actes d’un homme prêt à toutes les provocations et à tous les reniements pour atteindre le but qu’il s’est fixé. Cela mérite d’être d’autant plus d’être souligné dès lors que l’homme en question prétend accéder à la fonction de Président de la République dont les pouvoirs mais aussi les devoirs sont autrement plus importantes, demandent un peu plus de mesure et de retenue, où la provocation permanente et les postures de cow-boy ne peuvent tenir lieu de politique.
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