Avr 182007
 

Ma part de vérité

dedalus autoportraitA quelques jours du 22 avril, je ressens comme beaucoup l’importance de ce qui va s’y dérouler et le besoin de dire quelques dernières petites choses pour tenter de convaincre, de convaincre encore, c’est-à-dire de faire partager, ou du moins entendre cette conviction qui est la mienne.

Dimanche prochain, chacun d’entre nous sera appelé à se rendre aux urnes pour, au terme d’une longue campagne, exprimer son choix et faire entendre sa voix. Ce jour-là, le pouvoir sera effectivement entre les mains du peuple et il nous faut, chacun, avoir conscience de cette part de pouvoir que nous détiendrons alors et dont nous aurons le devoir citoyen d’user en conscience, c’est-à-dire conscient de la responsabilité qui nous incombe.

A quelques poignées d’heure de ce moment important dans la vie de notre démocratie, voici ce que signifie, pour ma part, cette responsabilité :

En premier lieu, je n’oublie pas que s’il y a deux tours de scrutin, il n’y a qu’une élection. Il s’agira dimanche prochain autant que deux semaine plus tard d’élire le Président de la République Française. Dès le 22 avril, il s’agira de cela et uniquement de cela. De quoi d’autre ?

Parmi les trois candidats susceptibles de l’emporter, ma préférence d’homme de gauche va sans l’ombre d’un doute à Ségolène Royal – mais n’entre pas dans le cadre de cet article de dire pourquoi. Il s’agira pour moi d’user de ma part de ce pouvoir électoral afin de favoriser son élection. Pourquoi sinon mettre un bulletin dans l’urne ? Dans quel objectif ?

Or je sais la chose suivante : c’est au premier tour, aussi au premier tour, que se gagne ou se perd une élection. Dimanche prochain, il ne s’agira donc pas seulement que Ségolène Royal soit au second tour, il faudra encore qu’elle y parvienne dans les meilleures conditions afin d’amorcer une dynamique qui puisse être victorieuse.

J’irai donc voter pour Ségolène Royal dès le 22 avril parce que j’ai conscience que Sarkozy à 26% et Royal à 22% n’est pas du tout équivalent à Sarkozy à 26% et Royal à 26%, même dans l’hypothèse où dans les deux cas ces deux-là arriveraient en tête.

J’irai voter pour Ségolène Royal dès le 22 avril parce que j’ai conscience qu’au soir du 6 mai, soit la droite sera au pouvoir pour les cinq ans qui viennent, soit ce sera la gauche, et que ça fait une sacré différence. Et j’ai conscience qu’une bonne part de ce résultat se jouera le 22 avril.

J’irai voter pour Ségolène Royal dès le 22 avril parce que j’ai également conscience que des élections législatives se dérouleront à l’issue de ces présidentielles. Si Ségolène Royal l’emporte, ce pourra alors avoir un sens de voter Verts ou PC ou ailleurs… afin de peser sur le gouvernement que la Présidente aura mis en place et orienter la politique qu’elle devra mettre en oeuvre. Sarkozy président, non seulement mon vote du 22 avril aurait été vain, mais celui des législatives le serait tout autant.

J’irai voter pour Ségolène Royal dès le 22 avril parce que j’ai conscience que, si en sport l’important est de participer, voire de se faire plaisir, lors d’une élection – et surtout à l’occasion de celle-ci – l’essentiel est d’abord de ne pas perdre, ensuite de gagner.

J’irai voter pour Ségolène Royal dès le 22 avril parce que j’ai conscience qu’on ne vote pas pour ses idées, mais qu’on vote pour que ses idées puissent progresser, afin qu’une orientation politique soit prise plutôt qu’une autre, afin qu’on puisse aller de l’avant – et ce même si ce n’est pas y aller aussi vite que l’on voudrait. Et donc, oui, et quoi qu’on en dise, et même si ce n’est pas satisfaisant, un vote aura été utile à la victoire ou bien il ne l’aura pas été.

Je vais voter pour Ségolène Royal et ce dès le 22 avril… et si ce n’est pas elle qui l’emporte le 6 mai, mon vote aura été inutile parce que je pense que les français les plus défavorisés le seront alors encore davantage. Or c’est bien de cela qu’il s’agit. Oui, en réalité, uniquement de cela élire un(e) président(e) avec l’espoir que cela aille mieux pour ceux pour qui cela va mal.

Le 22 avril, j’irai voter pour Ségolène Royal parce que je refuse de renoncer à espérer en la gauche et en ce qu’elle porte d’espérance. Et la gauche ce n’est pas le PS ou le PC, ce n’est pas les Verts ou les trotskistes, et ce n’est pas non plus davantage les uns que les autres. La gauche ce sont avant tout les hommes et les femmes qui composent ce peuple de gauche, des hommes et des femmes héritiers d’une histoire et porteurs de valeurs et d’espérance en un monde meilleur. La gauche, c’est cette longue marche en avant à travers l’Histoire vers le progrès social et le désir d’un vivre mieux ensemble – désir d’égalité et de liberté, désir de fraternité et de solidarité, et désir de lutter pour y parvenir. On ne doit jamais renoncer à cela, et certainement pas au moment de voter.

Alors je vais apporter ma voix à Ségolène Royal parce que la réalité est qu’à cette élection elle et nul autre qu’elle est en position de nous faire reprendre cette marche en avant après cinq années où déjà beaucoup de chemin a été perdu, ouvrant sous nos pieds un gouffre social où les plus fragiles d’entre nous n’ont cessé de s’enfoncer. Nos libertés ont reculé. L’égalité des chances a été baffouée. Les solidarités ont été démolies. Et il n’y a plus guère d’espace non plus pour fraterniser quand la droite n’a de cesse que de nous diviser, d’opposer les uns aux autres et d’exacerber les tensions.

Et puis, enfin, je vais voter Ségolène Royal, et ce dès le 22 avril, parce que je perçois en Nicolas Sarkozy une menace bien plus importante que celle que représente habituellement la droite, parce que je vois avec lui venir ce quelque chose d’inimaginable et dont on préfère toujours penser que cela n’arrivera pas… Et c’est justement pour cette raison que chaque fois c’est arrivé, et pour cette raison que cela arrivera encore.

Je perçois ce qui pourrait survenir, je sens le danger qu’il y aurait à confier le destin d’un pays à un homme tel que lui, qui semble réinventer la démagogie en chaque mot qu’il prononce, un homme en lequel on devine une faille effroyable, une folie contenue, si difficilement contenue… et dissimulée avec tant d’habileté qu’elle en devient d’autant plus effrayante. Et si même j’étais dans l’erreur, ce doute suffit à m’effrayer et à me mobiliser tout entier. Et à me mobiliser maintenant, afin d’éviter d’avoir à le faire trop tard. L’Histoire de la démocratie nous apprend qu’il est des diables à ne pas tenter, et qu’il vaut mieux parfois miser pour ne pas voir.

Voilà ce que j’avais envie de partager avec vous, en toute sincérité. Ce que j’avais sur le coeur à la veille d’une élection où les enjeux sont sans doute plus importants et plus graves que l’on ne voudrait le penser. Mais peut-être aussi plus chargés d’espoir.

Cela ne dépend que de nous.

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On parle de : Lettre ouverte d’un homme de gauche à ses concitoyens