Guy Môquet, martyr communiste aux bourreaux bien français
Guy Môquet est mort, non en tant que Résistant, mais parce qu’il était communiste.
Henri Guaino, conseiller du président, explique à propos du jeune fusillé : « Il tombe victime de la barbarie nazie« . La part de vérité de cette affirmation est si partielle qu’elle en devient presque mensongère. Ce sont certes les nazis – en l’espèce le général Stülpnagel – qui ordonnent qu’en représailles à la mort du lieutenant-colonel Holtz, abattu à Nantes par la résistance, on fusille 50 otages. Mais lesquels ? Les Allemands n’interviennent pas dans le choix des victimes. L’homme qui désigne les suppliciés s’appelle Pierre Pucheu, le ministre de l’Intérieur de Pétain. C’est donc lui qui condamne à mort les 27 fusillés de Châteaubriant, groupe auquel appartient le jeune Guy Môquet.
Les 27 fusillés sont communistes et le hasard n’a rien à y voir : Pucheu explique clairement son choix comme dicté par la volonté d’ « éviter de laisser fusiller 50 bons Français« . A ses yeux, un communiste n’est pas un bon Français. Or celui qui était alors le candidat Sarkozy a déclaré : « Je veux dire que cette lettre de Guy Môquet, elle devrait être lue à tous les lycéens de France, non comme la lettre d’un jeune communiste, mais comme celle d’un jeune Français faisant à la France et à la liberté l’offrande de sa vie« . Absurde, puisqu’on a vu que Môquet est mort justement parce qu’il est communiste !
Et pourquoi Pucheu choisit-il les otages dans les rangs communistes ? Parce que, tout simplement, il est un digne représentant de cette droite collaborationniste viscéralement anti-rouges, au point de faire sienne la devise : « plutôt Hitler que le Front populaire« . Au moment d’entrer en politique, Pucheu n’est en effet pas n’importe qui. Administrateur des fonderies de Pont-à-Mousson, des aciéries de Micheville, fondateur du Cartel international de l’acier, il est l’un des plus éminents représentants de ce qu’on appelait alors le Comité des forges, membre d’une bourgeoisie qui, après le triomphe de Hitler, entend prendre sa revanche sur le Front populaire. Pucheu, donc, choisit ceux qui seront fusillés et il choisit politiquement : Charles Michels, secrétaire général des cuirs et peaux CGT ; Jean-Pierre Timbaud, dirigeant de la métallurgie CGT ; Jean Poulmarch, dirigeant du syndicat des produits chimiques CGT ; Jules Vercruysses, dirigeant du textile CGT ; Désiré Granet, dirigeant du papier-carton CGT ; Jean Grandel, secrétaire de la fédération postale CGT… En somme, se débarrassant des syndicalistes, il joint l’utile (pour le patronat) à l’agréable (trucider la vermine rouge).
Voilà donc la vérité historique qu’il faut rappeler, à l’occasion de ce que le pouvoir sarkoziste a baptisé « Commémoration du souvenir de Guy Môquet et de ses 26 compagnons fusillés« … et en faisant d’abord observer que l’utilisation du mot « compagnons » est inappropriée et que le vocabulaire a un sens : car si les Résistants gaullistes se donnaient en effet du « compagnon« , les communistes s’appelaient « camarade« . Guy Môquet lui-même parle de ses co-suppliciés ainsi : « mes 26 camarades« . Mais évidemment, le mot « camarade » lui-même, fortement connoté, évoque le communisme et ce fait n’a visiblement pas eu l’heur de plaire à l’équipage Darcos-Guaino-Sarkozy. Qu’à cela ne tienne, on a remplacé le mot honni de la droite par un « compagnon » moins… « ringard » (dixit Guaino). Pourquoi se gêner ?!
Ce petit mensonge corrigé, cette cohérence avec la vérité historique rétablie, ce révisionnisme à la petite semaine balayé, il pourra s’avérer ensuite, et en effet, utile de conter aux élèves de France comment donc la frange la plus puissante du patronat français, en cheville avec l’Etat pétainiste, a profité de l’exigence allemande d’exécuter des otages, pour éliminer ses opposants politiques en même temps que les animateurs du mouvement social, afin de mieux le décapiter. Enfin, seulement, on lirait la lettre de ce jeune homme de 17 ans, qui allait mourir simplement parce qu’il était le fils de Prosper Môquet, député communiste élu en 1936, et que cette seule filiation avait suffi aux yeux du gouvernement français de Vichy à lui faire mériter la peine capitale.
« Victime de la barbarie nazie » ? Plutôt martyr politique aux bourreaux bien Français, en vérité.
A lire aussi, cet hommage à Missak Manouchian…, résistant, fusillé et tombé pour la France, mais peut-être pas assez français – ni ses compagnons dont sur l’affiche rouge les visages semblaient « hirsutes et menaçants » – pour que le Petit Père des People exige qu’on lise sa lettre aux enfants de France, ou même n’en soit ému. Mais voilà, on ne peut ni déformer ni tronquer l’Histoire… et la France n’est ni une dictature ni une république bananière où les manuels d’histoire seraient écrits à grands coups de ciseaux.
On parle de : Guy Môquet, rappel à l’Histoire