Taxer les stock-options
Selon le magazine L’Expansion à paraître ce mercredi, les revenus des patrons du CAC 40 ont bondi de 58% au cours de l’année 2007. Les profits tirés par la levée de leurs stock-options sont les principaux responsables de cette augmentation, représentant un gain moyen de 4 millions d’euros, exonérés de cotisations sociales, pour chacun de ces quarante hauts dirigeants déjà bien nanti en salaire. Les plus-values totales réalisées sur les stock-options encaissées en 2007 ont augmenté de 351% par rapport à 2006, atteignant la somme totale de 66 millions d’euros. Elles sont la principale raison de l’explosion des revenus des grands patrons. La plupart de ces quarante dirigeants ont en effet liquidé une partie de leurs stocks avant la chute des marchés, en août 2007 et ont donc au total touché ensemble 161 millions d’euros au cours de la seule année 2007 – le mieux servi étant Pierre Verluca, patron de Vallourec, leader mondial des tubes en acier, avec plus de 18 millions d’euros de revenu, dont 17 millions par la seule levée de ses stock-options.
Face de ses chiffres aussi astronomiques qu’indécents, il est particulièrement intéressant de rappeler la recommandation de la Cour des comptes, dont le Premier président n’est pas un gauchiste pur jus puisqu’il s’agit de Philippe Séguin. Cette autorité indépendante a en effet calculé que l’ensemble des mécanismes d’intéressement exonérés de cotisations sociales ont représenté une perte de recettes pour le régime général de la « Sécu » comprise entre 6 et 8,3 milliards d’euros en 2005, pour un déficit qui s’élevait cette année-là à 11,6 milliards d’euros. En particulier, les 8,5 milliards d’euros de stock-options distribués en 2005, qui, selon les propos même de M. Séguin, constituent « bien un revenu lié au travail, donc normalement taxable », ont ainsi entraîné cette année-là une perte de recettes « aux alentours de 3 milliards d’euros ». La Cour des comptes, toujours par la voix de son Premier président, explique en outre que « les 100 premiers bénéficiaires [de stock-options] devraient toucher chacun une plus-value de plus de 500.000 euros et les 50 premiers de plus de 10 millions d’euros. Rien que pour chacun de ces cinquante-là, les cotisations manquantes s’élèvent à plus de 3 millions d’euros par bénéficiaire. » Et il ne s’agit là que des chiffres de 2005…
Rappelons maintenant que Nicolas Sarkozy a instauré une franchise sur les soins qui s’applique à hauteur de 50 centimes d’euros par boîte de médicaments, de 50 centimes d’euros pour les soins infirmiers et les actes de kinésithérapie, de 2 euros pour les transports sanitaires et plafonnée par décret à un total de 50 euros annuels – plafond qui pourra ensuite être relevé, par simple décret également. Le petit président avait fait ses calculs, 50 euros annuels cela représente 4 euros par mois : « Qui va oser me dire qu’on ne peut pas mettre 4 euros par mois ?« , claironne-t-il… puisque le produit des franchises, il l’a décidé, sera affecté à la recherche contre le cancer et à la prise en charge des soins palliatifs et de la maladie d’Alzeihmer.
Certes, les bénéficiaires de la CMU sont exonérés de franchises. Mais voilà, la CMU est soumise à un plafond de revenu de 606 euros mensuels… quand le seuil de pauvreté en France est à 817 euros et que l’allocation adulte handicapé est tout juste supérieure au plafond de la CMU. Ainsi, ce sont bien les pauvres – pour qui 4 euros par mois représente un manque perceptible, n’en déplaise au petit père des people – et les malades eux-mêmes – dont notamment les personnes atteintes du cancer ou de la maladie d’Alzeihmer, et/ou en soins palliatifs – qui contribueront désormais le plus sensiblement au financement du trou de la Sécurité Sociale… plutôt donc que les détenteurs de stock-otions et autres possesseurs de capitaux, dont on peut sans mal parier que, bénéficiaires d’une qualité de vie supérieure, ils jouissent déjà d’une santé incomparablement meilleure.
Résumons-nous : en instaurant les franchises sur les soins, on récupère 850 millions d’euros en taxant les malades et en pénalisant davantage les plus pauvres (car en effet, 4 euros par mois ce n’est pas grand chose… pour les plus riches), tandis qu’en choisissant de ne plus exonérer les revenus des stock-options de contributions sociales, et en les faisant contribuer à hauteur de ce que contribuent les revenus salariés, ce sont près de 4 milliards qui viendraient chaque année renflouer les caisses de la sécurité sociale. Entre ceux dont les revenus mensuels se mesurent en centaines de milliers d’euros et ceux pour qui chaque euro dépensé est un euro qui manque, entre ceux pour qui la maladie n’est pas en sus un problème financier et ceux pour qui se soigner est un luxe auquel il faut souvent renoncer, entre la fidélité aux puissants et la justice sociale, entre clientélisme et répartition des richesses, entre droite et gauche, Nicolas Sarkozy a choisi… et arbitré en faveur de son camp, celui auquel il a toujours appartenu. Ça n’étonnera personne, je pense.