C’est une première dans l’histoire de la République. Le chef de l’Etat s’adressera lundi prochain, le 22 juin, au Parlement réuni en Congrès à Versailles. C’est une première, parce que c’est Nicolas Sarkozy lui-même, fidèle à ses méthodes monocratiques, qui a fait réviser la Constitution afin de pouvoir disposer aussi de cette tribune.
Nicolas Sarkozy a fait savoir qu’il compte exposer devant les élus de la Nation les orientations de la France sur la politique européenne et sur son projet économique et social. L’opposition de gauche quant à elle discute actuellement de l’opportunité de se rendre à Versailles pour écouter le roitelet faire son show, un discours qui ne sera suivi d’un débat qu’après le départ de ce dernier, et sans vote – le petit président ayant pris bien soin de n’avoir à subir l’affront d’une contestation frontale de la part d’une opposition qu’il n’a de cesse que de nier.
« Ce qui nous choque, c’est qu’une nouvelle fois le Parlement soit contraint à l’urgence pour un show présidentiel qui s’apparente à une opération de politique intérieure« , a déclaré le président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault. « Pourquoi faudrait-il y aller ? », s’interroge le porte-parole des députés du PCF, Roland Muzeau, avant de préciser que « a réponse est contenue dans la question. » Noël Mamère est quant à lui plus catégorique. « Je ne me rendrai pas à Versailles. Je suis pour le boycottage de cette opération médiatique, affirme le député (Verts) de la Gironde. Il n’est pas question de cautionner cette dérive monarchique du régime où le président agit selon son bon vouloir. Même si ça se passe à Versailles, il ne faut pas confondre le Congrès avec la cour du roi.«
A droite aussi, ça grince un peu. Jean-Pierre Grand, député UMP de l’Hérault et proche de Dominique de Villepin fait remarqué que « c’est la consécration de la disparition du premier ministre. C’est le président de la République qui va faire une déclaration de politique générale, sans pour autant engager sa responsabilité. » Bah, de la part d’un irresponsable, on ne pouvait s’attendre à autre chose.
Du côté des blogueurs, Nicolas et Juan, Mathieu, Olivier et Gaël, appellent les parlementaires de gauche à boycotter l’événement.
Je pense pour ma part que la gauche ferait une erreur supplémentaire en ne se rendant pas à Versailles. Alors que le principal reproche qui est fait à l’opposition est de n’avoir rien à proposer, cette absence serait tendre le bâton avec lequel on ne se privera pas de la battre. Nicolas Sarkozy ne se privera pas d’être le premier à s’en emparer et comme c’est lui qui aura le micro, on aura appris une fois de plus qui parvient à être audible et qui ne l’est toujours pas. La politique de la chaise vide est toujours – ou disons le plus souvent – une erreur politique.
Il y a à mon avis bien d’autres moyens de perturber la petite cérémonie organisé à la gloire du petit président, bien d’autres moyens de manifester son désaccord. Ainsi, s’il s’agit bien de Versailles, il ne s’agit pas de la cour du Roi et rien ne contraint les parlementaires à rester assis bien sagement et écouter dans un silence contrit les propos du monarque. Siffler et huer ne sauraient constituer des crimes de lèse-majesté. Arborer des brassards noirs en signe de deuil du parlementarisme n’est pas interdit. Crier à bon escient un Sarkozy, je te vois pourrait faire son petit effet. On pourrait tout à fait imaginer qu’en signe de contestation, les parlementaires soient bel et bien présents, mais tournent le dos au président, ou arborent un sparadrap sur la bouche pour signifier qu’on a muselé leur parole. Partir en bloc avant la fin, en réclamant l’abrogation du bouclier fiscal, est également une option qui saurait avoir une certaine saveur.
En bref, un peu d’imagination ne saurait nuire pour bien s’opposer. Le boycott ne me semble pas la bonne réponse, bien au contraire. Nicolas Sarkozy a voulu sa tribune, à l’opposition de la lui contester et de s’en emparer. Les représentants du peuple que sont les parlementaires se grandiraient à saisir l’occasion d’avoir le président en face à face pour lui signifier le mécontentement du peuple et ses aspirations.
Où l’on parle de : Boycotter n’est pas s’opposer