Il avait cessé tout commerce avec les médecins depuis qu’il avait obtenu la certitude d’être vraiment malade. Puis la confirmation de cette certitude. Compté, le temps lui était devenu un bien des plus précieux. Puisqu’ils étaient incapables de le guérir, il n’allait pas gaspiller du temps pour une chimiothérapie qui ne pouvait qu’au mieux lui en faire gagner un peu.
Etrangement, la conviction que cette fois il ne s’en sortirait pas, ou au contraire que la sortie était toute proche, avait été un soulagement. Sans espoir, pas de désespoir. Pas de larmes. Il se sentait serein, plus qu’il ne l’avait jamais été. Plus qu’il pensait pouvoir possible de l’être.
Jusque là, il avait pensé que la mort ne pouvait être qu’un poids et un effroi. Et parce que la mort était inéluctable, l’existence en devenait une tragédie. Mais plus maintenant. Il ne s’agissait désormais plus que de gambader sur le chemin et le parcourir de bout en bout. Un pas après l’autre, profitant de chacun. Parce que rien en réalité n’existe en dehors du présent. Voilà ce qu’il avait compris.
Et il ne perdait pas non plus son temps à s’arrêter sur de tels lieux communs. Il se contentait de vivre chaque instant, ou d’être vécu par lui, puis par le suivant, existant pleinement à l’intérieur de chacun, découvrant que le présent est une éternité de tous les instants.
Puis il est mort.
Il est mort, voilà tout. Il y eut simplement un instant où il ne fut pas, et il ne fut plus. Il avait évité d’agonir.
Et je me dis alors qu’il faudrait que je parvienne à ne pas le pleurer.
Source : La mort n’est rien