Oct 092011
 

Roméo et Juliette - William Shakespeare - Olivier Py - théâtre de l'OdéonSi Romeo et Juliette est sans doute parmi les plus fameuses pièces de Shakespeare, cela tient d’abord au mythe que sont devenus les amants de Verone, mythe de l’amour à la fois absolu et impossible. Absolu parce qu’impossible ? Impossible parce qu’absolu ? C’est là toute la grandeur de cette tragédie qui néanmoins, oeuvre des débuts, n’est pas parmi les meilleures. Ce qui explique sans doute qu’elle n’est pas non plus parmi les plus représentées – du moins en France et aujourd’hui.

Ayant placé sa dernière saison à l’Odéon sous le signe de l’Amour et du Désir, c’est Romeo et Juliette tout naturellement qu’Olivier Py choisit de porter à la scène pour sa première rencontre avec Shakespeare. Mieux, il décida d’en assurer lui-même la traduction. C’était un rien présomptueux, mais on peut admettre que l’exercice est plutôt réussi, même si par moment, trop souvent, on entend d’avantage Olivier Py lui-même que William Shakespeare.

C’est le moindre des défauts de cette mise en scène un peu terne où l’on a souvent le sentiment que les comédiens se contentent principalement de tourner le plus vite possible autour d’un décor de carton en noir et blanc et monté sur roulettes.

Olivier Py semble avoir tout misé sur les deux jeunes comédiens fraichement sorti du conservatoire pour s’en venir ici jouer Roméo et Juliette. C’était une mauvaise idée, non pas que ceux-ci – ils se nomment Camille Cobbi et Matthieu Dessertine – soient particulièrement mauvais – ils sont plutôt très bons au contraire -, mais la grandeur de Shakespeare réside aussi beaucoup dans la profondeur des seconds rôles.

Or que reste-t-il de Benvollio ou de Tybalt ? Le premier est un intello, l’autre une brute ? C’est avoir peu creusé. De Mercutio et de Pâris ? L’un est un sale gosse adepte de blagues potaches, l’autre un prince à la noblesse insipide ? C’est en rester à l’écume. Et pourquoi désincarner ainsi Capulet et Lady Capulet d’un côté, Montaigu et Lady Montaigu de l’autre ? Quant au Prince de Vérone, il est plus transparent encore… 

Roméo et Juliette, c’est tout de même l’histoire d’un amour qui se heurte tragiquement à la haine aveugle qui dresse l’une contre l’autre deux familles, « deux illustres maisons, d’égale dignité dans la belle Vérone »… Il ne s’agit pas uniquement de Roméo et de Juliette. Nul besoin sinon de cinq actes pour dire qu’ils s’aiment et qu’ils meurent.

Faire donc le choix de deux très jeunes comédiens étaient audacieux – Juliette a 14 ans… Et ces deux-là sont sans aucun doute talentueux. Pourtant, cela ne fonctionne pas non plus et les contours de leurs personnages demeurent imprécis. On ne croit pas même à leur amour, ou du moins à ce qu’il y a à la fois de sublime et de dévastateur dans cet amour. Peut-être aurait-il fallu laisser à l’un et l’autre l’ingénuité désespérée que suppose Shakespeare à ses deux protagonistes – Juliette a 14 ans ! Peut-être la voix chaude de Camille Cobbi ne permet-elle pas de croire à cette ingénuité. En tout cas, cela ne fonctionne pas.

Pour le reste, je ne parviens toujours pas à comprendre ces metteurs en scène qui persistent à trouver très moderne, ou très sensé, de priver le public de toute obscurité. Personne ne leur a donc expliqué que cela ne facilite pas l’immersion des spectateurs dans le spectacle ? Le plafond de l’Odéon est certes splendide, mais nous aurions eu tout loisir de l’admirer quand serait venu le moment de ne pas applaudir.

J’exagère, ce n’était pas si mauvais. C’est seulement que ce n’était pas bon non plus. Probablement parce que la tragédie n’a pas été tenue. Il ne suffit pas en effet d’en venir au dernier acte et assister à la mort des amants. Il fallait encore que tout au long des quatre actes qui précèdent on comprenne à chaque instant que leur mort est inéluctable, qu’il n’y a pas d’autre issue. Ce qui est tragique ce n’est pas tant qu’ils meurent, c’est qu’on pourrait tout reprendre depuis le début sans parvenir à les faire échapper à leur terrible destin. Roméo et Juliette se voient, s’aiment et en meurent. Ils se voient et tout déjà est arrivé.

Tout déjà est arrivé. Pourvu déjà qu’on éteigne les lumières dans la salle !