Si vous cherchiez désespérément le spectacle que vous n’avez pas envie de voir en ce début de printemps, réjouissez-vous car votre quête a pris fin, je l’ai déniché pour vous.
Ce Par-delà les marronniers – Revu(e), de et par Jean-Michel Ribes, est très certainement l’alchimie parfaite de ce qu’on peut faire de plus mauvais dans une salle de théâtre. A se demander si tel n’était pas l’objet artistique recherché, cette perfection dans la médiocrité, où rien ne se permet de surnager. Ni le texte ni les comédiens, ni la mise en scène ni les décors, ni les costumes ni la musique, ni la scénographie ni le texte.
Ni surtout le texte en vérité, car comme toujours au théâtre tout part de là, d’une manière ou d’une autre ; et ici en l’occurence rien de bon n’en pouvait de toute évidence advenir. C’est terriblement mal écrit. Un fatras de mots qui usent de toutes les plus grosses ficelles stylistiques, et les plus usées aussi, pour prétendre à l’écriture, pour faire illusion.
N’est pas dadaïste qui veut, et il ne suffit pas de donner dans l’énumération chaotique et pousser l’absurde au bord du n’importe quoi pour être à même de s’en revendiquer. Ou peut-être que si, mais cela ne suffit pas. Dénoncer le conformisme et les idées reçues, briser les conventions, provoquer… Encore aurait-il fallu le faire avec moins de conformisme, de manière moins conventionnelle, en évitant la provocation à deux balles d’un dandysme tellement suranné qu’il n’est plus que très ordinairement bourgeois, et finalement assez vulgaire, tristement vulgaire. Le propos misogyne par exemple, surtout quand il est plus grossier que subtil, est simplement gras, trop lourd et trop gras pour prétendre être véritablement choquant – pour peu même que choquer puisse avoir en soi un quelconque intérêt – et sans même donc imaginer qu’il puisse atteindre à l’humour.
Tout est à l’avenant. Des comédiens qui plantent maladroitement des dandys bien trop ringards pour être subversifs, pontifiant à tour de rôle des collections de sentences verbeuses et sans originalité. Des comédiennes qui, déshabillées et emplumées, se retrouvent cantonnées à des rôles de faire-valoir poussant la chansonnette – et il n’y a pas grand chose en réalité à faire valoir. Des décors aussi pauvres que kitsch, où le néon est un triste roi au milieu de sa cour de pacotilles. Et la mise en scène, qui tient plus du cabaret de seconde zone et de la comédie musicale cheap que d’un flamboyant music-hall, consiste principalement à placer des comédiens engoncés aussi bien dans leur costume que dans leur texte face à un public dont est visiblement espéré une certaine complaisance. Tout est mauvais, et j’aurais pu aussi bien évoquer la sonorisation et l’éclairage – c’est d’ailleurs la seul qualité de ce spectacle que tout soit au même niveau. Le degré zéro du théâtre.
Un dernier mot, parce qu’il n’est pas utile non plus que je m’appesantisse plus encore. J’étais, pour la première fois, invité par le théâtre du Rond-Point. J’imagine au titre de blogueur théâtre, même si cela ne m’a pas été explicitement indiqué, – mais je ne vois pas quelle autre qualité m’aurait valu ce plaisir. Car c’est en effet chaque fois un plaisir que je ne boude pas que d’être ainsi invité, et je remercie le théâtre du Rond-Point pour cette très sympathique initiative, voire même très flatteuse. Lorsqu’un théâtre prend ainsi la peine de m’inviter, je m’oblige à rédiger une critique sur le spectacle auquel j’ai été convié, parce que je considère que c’est la moindre des choses que d’assumer la fonction qui m’a valu l’invitation, et donc le plaisir qui l’accompagne. Il n’en reste pas moins que je ne vais rien retirer ou ajouter à ce que j’ai pensé de ce à quoi il m’a été donné d’assister, ni à la manière dont je souhaite l’exprimer, dans la dithyrambe comme dans la virulence, avec la passion qui m’anime quand il s’agit de théâtre, sans rien édulcorer ni magnifier au prétexte que je serais redevable. Ce n’est pas de l’ingratitude, et l’on comprendra que bien au contraire… Le théâtre ne vaut pas moins qu’une absolue sincérité des sentiments, y compris de la part des spectateurs.
Allez donc voir autre chose, mais allez au théâtre. Et si vous trouvez cela mauvais, retournez-y. Et encore, et encore. Parce que quand c’est bon, il n’y a rien de meilleur.
Oui, par-delà les marronniers, allez au théâtre !