Oct 112011
 

choix primaire

Sur près de 2,7 millions votants, François Hollande a recueilli un peu plus d’1 millions de suffrages et Martine Aubry 800 000. 
C’est dire que :

  • 40% des suffrages sont allés à François Hollande ;
  • 30% des suffrages sont allés à  Martine Aubry ;
  • une écrasante majorité (70%) des suffrages est allé à l’un des deux finalistes.

Il y avait 6 candidats. Le premier éliminé, Arnaud Montebourg, a recueilli 455 000 suffrages. Les autres en ont a eux trois recueilli 355 000 (185 000 à Ségolène Royal, 150 000 à Manuel Valls et 20 000 à Jean-Michel Baylet).
C’est dire que :

  • A eux tous, les 4 éliminés ont recueilli le même nombre de suffrage que Martine Aubry à elle seule – et 200 000 de moins que François Hollande ;
  • 30% seulement des électeurs ont opté pour un autre candidat que Martine Aubry ou François Hollande ;
  • Arnaud Montebourg a recueilli sur son nom et ses idées à peine plus d’un électeur sur six.

[Je répète : Arnaud Montebourg a recueilli sur son nom et sur ses idées à peine plus d’un électeur sur six…]

Ainsi, si l’on considère qu’il existe trois lignes politiques différentes au sein du Parti Socialiste :

  • La ligne libérale-sociale, représentée par Manuel Valls, pèse 5% ;
  • La ligne « je suis plus de gauche que toi » – je ne parviens pas à la nommer mieux -, représenté par Arnaud Montebourg, pèse 20% (en étant généreux) ;
  • La ligne socialiste sur laquelle se trouve alignés Martine Aubry, François Hollande mais aussi Ségolène Royal, pèse 75%.

Nos petits camarades gauchistes – et j’appelle gauchistes tous les adeptes du grand jeu du « je suis plus de gauche que toi », et c’est un jeu qui depuis toujours fait fureur à gauche mais où l’on se retrouve systématiquement à tomber sur quelqu’un de plus con fort que soi (j’en veux pour preuve ce savoureux courrier que les camarades de Lutte Ouvrière ont adressé il y a quelques mois à leurs camarades du NPA pour refuser une proposition d’alliance politique parce que le NPA était devenu un repère de sociaux-traîtres…)

Nos camarades gauchistes, allais-je dire, me diront que la ligne socialiste n’est rien d’autre qu’une ligne sociale-démocrate. C’est profondément méconnaître ce qui s’est passé au Parti Socialiste depuis une dizaine d’années. Une lente mais constante prise de conscience de l’échec de la vieille sociale-démocratie, c’est-à-dire son incapacité à répondre efficacement au rouleau-compresseur libéral. La nécessité de réinventer la gauche, de la doter de véritables outils de transformation sociale, de remettre l’humain et les solidarités, c’est-à-dire le social, au coeur de toute politique économique, de répondre efficacement aux défis écologiques…

Le fait est qu’aujourd’hui le Parti Socialiste aura doté son futur candidat aux présidentielles d’un projet ambitieux, réaliste et solidement ancré à gauche. Un projet aussi bien porté par Martine Aubry et François Hollande, mais qui l’était tout autant par Ségolène Royal et Arnaud Montebourg.

Et il n’est en réalité qu’assez peu surprenant que les socialistes ne se soient pas étripés durant cette campagne de premier tour de la primaire, que les débats aient été à ce point cordiaux et empreints de bonne camaraderie : ils étaient d’accord sur l’essentiel du projet politique à mettre en oeuvre, ne se différenciaient qu’à la marge et encore, difficilement. Ce qui les différenciait véritablement relevait surtout du tempérament et du positionnement politique, pour ne pas dire de la posture. 

Pendant que j’écris ces lignes, les Left_Blogs discutent de la question suivante : Faut-il voter Martine Aubry parce qu’elle est perçue comme plus à gauche ? Ils ont raison, c’est une question importante et d’abord parce qu’elle exprime implicitement que ce n’est qu’une histoire de perception, la résultante d’un positionnement politique, et le moins qu’on puisse dire est que Martine Aubry joue à fond de cette carte en ne perdant pas une occasion de renvoyer François Hollande à une gauche supposée molle.

C’est une perception en effet, rien de plus et Arnaud Montebourg est le premier à dire et répéter que François Hollande ou Martine Aubry c’est politiquement la même chose. Il oublie seulement qu’il en est de même pour lui, parce que deux trois propositions un peu différentes – et encore, c’est à voir – ne font pas de lui un homme radicalement plus à gauche.

Rappelons qu’il y a trois ans, au Congrès de Reims, Arnaud Montebourg avait signé la contribution de Pierre Moscovici, premier lieutenant de Dominique Strauss-Kahn, avant de se rallier, toujours avec Pierre Moscovici et l’ensemble des partisans de DSK, à la motion portée par Martine Aubry. La gauche du PS était alors incarnée par Benoit Hamon, Henri Emmanuelli et… Jean-Luc Mélenchon, mais pas Arnaud Montebourg.

L’occasion de dire ici qu’il en est de même aujourd’hui pour Jean-Luc Mélenchon : Quelques slogans et une posture ne font pas de son projet politique un projet radicalement différent de celui des socialistes. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

François Hollande ou Martine Aubry c’est politiquement la même chose. Alors comment choisir ?

Martine Aubry est en effet perçue comme plus à gauche. Mais dans la perspective présidentielle, n’est-ce pas davantage un handicap qu’un atout ? Au premier tour, cela lui permettrait de rassembler des électeurs plus radicalement de gauche, mais ça lui ferait perdre des électeurs plus modérés, pour lesquels un positionnement trop à gauche est rédhibitoire. Au résultat, Martine Aubry saurait au premier tour faire un score équivalent à celui que ferait François Hollande. Mais au second, ses réserves à gauche seraient moins importantes et les électeurs du centre seraient moins nombreux à se résoudre à se reporter sur elle. Et c’est là la première raison pour laquelle François Hollande est en meilleure position que Martine Aubry pour battre Nicolas Sarkozy.

La seconde est que François Hollande est un meilleur candidat. Meilleur orateur en meeting, plus à son aise devant un micro ou une caméra, plus convaincant dans ses prises de paroles, plus habile au cours d’un débat, plus fin tacticien, il ferait sans aucun doute une meilleure campagne électorale. Ce qui est d’autant plus important qu’en face, Nicolas Sarkozy est un redoutable animal électoral.

Pour être tout à fait juste, il est un domaine où Martine Aubry n’est pas surpassé par François Hollande, c’est dans la capacité à trouver les mots justes pour chaque fois que nécessaire taper sur Nicolas Sarkozy et la droite. Elle sait être tranchante, et même cinglante – ce que par exemple n’avait pas su faire Ségolène Royal en 2007… Cette capacité à agresser l’adversaire et à répondre à ses agressions sera une arme importante dans la campagne électorale qui s’annonce.

Enfin, il y a la capacité à incarner la fonction présidentielle. C’est très important, les Français sont particulièrement sensibles à cela : il faut pouvoir faire Président de la République. Je ne suis pas certain que les Français soient prêts à élire une femme Présidente, mais je suis là plus que tenté de dire que ceci ne doit pas être pris en considération. Le fait est seulement que François Hollande travaille sa stature présidentielle depuis désormais de très longs mois et a obtenu de ce travail des résultats indéniables. Martine Aubry a quant à elle pris beaucoup de retard, tant elle a été prise par sa fonction de première secrétaire du Parti Socialiste, fonction où elle a été particulièrement efficace. Et même s’il reste encore du temps pour combler ce déficit d’image, il reste peu de temps.

Alors Arnaud Montebourg a raison de vouloir poser des questions aux deux candidats finalistes. Qu’il n’oublie pas cependant que son beau succès électoral est tout de même très relatif – à peine plus d’un électeurs sur six. Qu’il n’oublie pas cependant que sa différence politique est bien plus une différence de posture qu’une offre différente. Qu’il n’oublie pas surtout que sa responsabilité d’ancien candidat à la primaire est d’abord de contribuer à la victoire en 2012 de l’un des deux qu’il souhaite interroger. Qu’il prenne donc garde de ne se retrouver à jouer contre son camp.

Pour ma part, et même si je vais assister avec beaucoup d’attention au débat de demain soir, je voterai plus que probablement pour François Hollande. Et si c’est Martine Aubry dimanche prochain qui sort vainqueur je n’en serai pas triste, juste un petit peu plus inquiet pour la victoire en 2012. Car s’il est une chose dont je suis convaincu, c’est que l’un ou l’autre emportant la victoire en 2012, c’est une politique de gauche qui sera menée, la même et qu’ils conduiront ensemble, chacun à la place qui lui aura échue.

Et je n’oublie pas non plus que les législatives qui suivront seront une occasion supplémentaire de voter à gauche.