Le jour d’avant – Lulli, chapitre 8
Louise pose ses mains à plat sur son ventre. Elle veut être sûre que cela s’est produit, sensation étrange d’être devenue une autre – d’être redevenue elle-même en réalité, ordinaire, trivialement humaine quand hier encore le divin était en elle, l’habitait tout entière. Elle avait porté la vie, elle est plate désormais et son ventre est vide, sans vie. Il n’y a plus en elle qu’un seul cœur, le sien, solitaire, et qui cogne dans ce néant. Elle réprime une envie de pleurer, réconforte-moi, mon bébé. Elle parcourt la pièce du regard et ne voit nulle part sa petite fille. Un instant elle est prise de panique, puis se souvient que la sage-femme lui a dit qu’Elise ne serait pas avec elle cette nuit, qu’elle devait se reposer, dormir un peu pour reprendre des forces.
Voilà, elle est reposée maintenant : qu’on lui rende son bébé ! Elle se lève. Tenir sa petite fille entre ses bras, la voir vraiment, longuement, la toucher toute. Où est-elle, où l’ont-ils emmenée ? Elle vacille, prend appui sur la table de chevet et se dirige vers la porte. Sa marche est chaotique, elle a perdu l’habitude de ce corps-là, privé de ce poids devant elle qu’il fallait compenser en cambrant les reins. Et le sentiment d’aller toujours à deux.
Elle trouve la nurserie et, devant la douzaine de bébés alignés comme à l’étalage, Louise n’hésite pas : elle est là, son Elise, ses yeux noirs grands ouverts, Elise, dans sa couveuse et qui ne pleure pas.
Comme elle est belle ! Louise est saisie par son éclat. Une bulle de fierté éclate dans son cœur et elle sent un rire monter en elle comme un sanglot, un bonheur qui l’étouffe. Elle prend appui sur le mur et regarde son enfant. Elle regarde avec avidité, détaille mille fois sa merveille, et ne se lasse pas de regarder et de regarder encore. Chacun de ses traits semble avoir été le fruit d’un minutieux travail d’orfèvre, sa bouche délicatement ourlée, son nez pointu et décidé, ses pommettes saillantes ; et ses yeux noirs, son regard intense et volontaire, ses cils longs et recourbés qui lui donnent un regard rond, le regard faussement étonné qu’ont les filles. C’est une fille ! Louise s’use les yeux et le cœur à la regarder.
Sa peau est légèrement hâlée et le linge blanc qui l’emmaillote rehausse encore son éclat. Comme ta peau doit être douce, murmure-t-elle avec émotion. Elle voudrait la toucher, elle a posé une main à plat sur le toit de la couveuse pour être plus près de sa petite fille, aussi près qu’il est possible encore de l’être – et Elise agite ses mains lilliputiennes comme pour capter dans l’air confiné du ventre artificiel les ondes d’amour que lui adresse sa mère. De l’extérieur maintenant. Toutes deux se regardent avec une tendresse emprunte de nostalgie, elles se regardent, se voient et prennent conscience de leur altérité. Quelque chose a pris fin entre elles et qui ne sera plus.
[…]
Lulli est mon premier roman, que j’ai résolu de publier sous forme de livre électronique (format .epub) et de diffuser via ce blog au rythme d’un chapitre par semaine.
Nous en sommes au chapitre 8, sur les 12 chapitres que compte ce roman, et vous venez d’en lire les premières lignes. La suite est à lire sur iPhone, iPod Touch, IPad ou toute liseuse supportant le format epub : Cybook, Sony Reader, Kindle… Ou bien directement sur un ordinateur.
Si vous prenez l’aventure en route, vous pouvez préférer la reprendre depuis le début…
A la suite de chaque billet de présentation, les commentaires vous permettent, si vous le souhaitez, de partager entre vous – et avec moi – vos impressions de lecture, au fil de celle-ci ou bien à son terme (qu’il soit prématuré ou non).
Bonne lecture !
***
Téléchargement : Lulli – chapitre 8
Précédemment :
Lulli – chapitre 1 | Lulli – chapitre 5 | |
Lulli – chapitre 2 | Lulli – chapitre 6 | |
Lulli – chapitre 3 | Lulli – chapitre 7 | |
Lulli – chapitre 4 |
L’ensemble des documents proposés au téléchargement sur ce site,
et sauf mention contraire de l’auteur,
sont protégés par une licence
Creative Commons Attribution – 2.0 France Licence
Citation de paternité obligatoire
Utilisation commerciale proscrite
Aucune modification autorisée
Source : Le jour d’avant
(A suivre : Lulli, chapitre 9…)