Quand Trop devient Creux
La vie des pauvres gens est un cauchemar – même leurs rêves sont marqués au fer blanc de leur indigence. Cela prend dix minutes pour comprendre le message et une heure et demi ensuite pour s’y ennuyer.
Ça raconte l’histoire d’une vie sans saveur, rythmée par l’horreur et la désespérance. Ça se passe dans une maison, sans doute l’une des petites maisons d’un petit village de campagne. La femme à la natte – c’est ainsi qu’elle est nommée – est d’abord une jeune femme. Elle vit avec ses parents. Employée de ménage dans une société, elle est malade et ne se rend plus à son travail. Elle va perdre son emploi. Ses journées sont faites de têtes à têtes, avec elle-même ou avec sa mère qui la couvre de son mépris. La mère préfère son fils, ou l’image qu’elle a gardé de son fils plutôt, car celui-ci a perdu son boulot et son épouse, et a sombré dans l’alcoolisme. La femme à la natte se fait sauter sans joie et sans amour par un voisin. Et aussi par son père, un homme bourru et pétomane. Grâce, légèreté et délicatesse.
Et ça continue ainsi. Elle tombe enceinte – on imagine assez bien qui est le père. Le mari de la voisine meurt d’avoir été trop haï par sa femme, la voisine. Puis elle devient employée de maison chez une femme riche, maniaque de propreté et qui l’exploite outrageusement. Un travesti se fait tabasser (sic !). Elle tombe amoureuse, enfin, juste le temps pour l’élu de son coeur de mourir sous ses yeux. Son fils est entré dans l’adolescence maintenant, il n’a pas de « coucougnettes » et demande à sa mère de l’aider à mourir, si elle l’aime. Elle le tue, donc. Puis elle vieillit encore. Rien ne lui arrivera plus. Aucune lueur d’espoir, ni pour elle ni pour le public.
Ha oui, durant tout le temps de la pièce, défilent sur un écran lumineux des commentaires sur les personnages, des considérations climatiques, des aphorismes… Point de mise en scène, mais des comédiens auxquels ont ne peut rien reprocher : ils sont plutôt excellents et Catherine Hiegel est, comme toujours, impressionnante.
Au final, Philippe Minyana, l’auteur, sera parvenu à montrer à quel point l’indigence n’est pas l’apanage des seuls pauvres gens.
« La Maison des morts », de Philippe Minyana, mise en scène de Robert Cantarella, avec Catherine Hiegel – au théâtre du Vieux Colombier jusqu’au 11 mars 2006.