Du mensonge christique et de la tragique illusion de Dieu
Mercredi 13 janvier 2008, au dîner du CRIF auquel il était convié, en déclarant : « Le drame du XXème siècle, de ces millions d’êtres projetés dans la guerre, la famine, la séparation, la déportation et la mort, n’est pas né d’un excès de l’idée de Dieu, mais de sa redoutable absence », Nicolas Sarkozy, décidément tout petit président de la république laïque de France, a franchi les limites de l’acceptable.
Une telle déclaration publique, officielle, est une agression insupportable contre les convictions de tous les athées, ou du moins contre mes convictions philosophiques personnelles – et je vais éviter ici de sombrer d’ores et déjà dans un pseudo communautarisme des sans-dieu.
Disons-le tout net, je vis cette dernière éructation présidentielle comme une provocation de trop et une déclaration de guerre, comme un appel à déterrer des armes qui furent enterrées avec le calumet de la paix de la laïcité.
C’est pourquoi je m’autorise à proclamer ici publiquement que le grand drame de l’Histoire des hommes depuis vingt siècles, d’obscurantisme en oppression, de massacre en génocide, de guerre en croisade, de colonisation en esclavagisme, est le fruit du mensonge christique dont le poison est la tragique illusion de Dieu.
Et je me souviens soudain, qu’à la basilique Saint-Jean de Latran à Rome, le 20 décembre dernier, ce même Sarkozy, étriqué et vulgaire avait déclaré que « dans la transmission et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ». Aussi, puisque la guerre est ouverte, j’affirme en retour que les petits enfants deviendraient moins facilement de grands cons si on leur évitait d’avaler toutes les conneries que débitent les curés.
Le 27 septembre 1946, un certain Gilles Colin écrivait dans le Monde Libertaire : « Soit dit en passant, les zélateurs de la religion catholique sont bien obligés d’imputer à leur fétiche tout puissant, Jésus-Christ, la conception et la réalisation des sanguinaires mise en scène que sont les guerres mondiales. Obligés de lui reconnaître une intervention personnelle dans les catastrophes ferroviaires et autres fariboles qui ne constituent pour lui que les plus inoffensifs et dilettantiques passe-temps. ».
Gilles Colin était alors le pseudonyme d’un certain Georges Brassens, lequel écrivit également ces quelques vers :
Le clergé vit au détriment
Du peuple qu’il vole et qu’il gruge
Et que finalement
Il juge.
(Georges Brassens / 1921-1981 / Opinion)
Mais puisque je donne dans la citation, je vous livre également celle-ci qui me plait beaucoup :
« On sent, je crois, qu’avoir de la religion, pour un enfant, et même pour un homme, c’est suivre celle où il est né. Quelquefois on en ôte ; rarement on y ajoute ; la foi dogmatique est un fruit de l’éducation. Outre ce principe commun qui m’attachait au culte de mes pères, j’avais l’aversion particulière à notre ville pour le catholicisme, qu’on nous donnait pour une affreuse idolâtrie, et dont on nous peignait le clergé sous les plus noires couleurs. Ce sentiment allait si loin chez moi, qu’au commencement je n’entrevoyais jamais le dedans d’une église, je ne rencontrais jamais un prêtre en surplis, je n’entendais jamais la sonnette d’une procession sans un frémissement de terreur et d’effroi, qui me quitta bientôt dans les villes, mais qui souvent m’a repris dans les paroisses de campagne, plus semblables à celles où je l’avais d’abord éprouvé. Il est vrai que cette impression était singulièrement contrastée par le souvenir des caresses que les curés des environs de Genève font volontiers aux enfants de la ville. »
(Jean-Jacques Rousseau / 1712-1778 / Les confessions / posthume, 1782)
Mais surtout, pour en revenir à notre petit président qui vomit du Guaino comme un enfant fait sa gastro, parlant d’un « monde sans Dieu, que le nazisme et le communisme ont cherché à bâtir », il semble important de rappeler le rôle plus que trouble et souvent actif qu’ont joué les églises catholiques d’Europe en général, et le Vatican en particulier, aux côtés des nazis allemands, comme d’ailleurs des facistes italiens ou espagnols.
Rappelons par exemple que le pape Pie XII n’a, durant la Seconde Guerre mondiale, jamais condamné la persécution des juifs par les nazis. Et évoquons qu’il n’y a pas si longtemps le directeur israélien du centre Wiesenthal de recherches sur le nazisme a été contraint d’exprimer son regret que le Vatican ne reconnaisse pas que « l’antisémitisme chrétien a conduit à la Shoah ». C’était après que dans un texte intitulé Souvenons-nous : une réflexion sur la Shoah, publié le 18 mars 1998, le Vatican a cherché à nier un lien de cause à effet entre l’antijudaïsme historique des chrétiens et l’antisémitisme des nazis, le Vatican se contentant seulement de déplorer que des chrétiens n’aient pas apporté, à ceux qu’on persécutait, toute l’aide qu’on était en droit d’attendre d’eux, exprimant néanmoins ses « regrets » pour « la méfiance et l’hostilité » dont les juifs ont été victimes de la part des chrétiens et demande pardon « pour les fautes » de ses croyants. C’est dire si le Vatican lui-même va moins loin dans le révisionnisme historique que Nicolas Sarkozy.
Ainsi donc l’Europe aurait des racines chrétiennes, mais pas nos deux guerres mondiales et pas non plus la Shoah. Je crois qu’on voit en cet homme à la pensée étriquée l’exemple même des ravages de la catéchèse sur les enfants de France. Il devient urgent de les en préserver, de les libérer du catéchisme qui les pervertit, urgent qu’à la mission évangélique du christianisme s’oppose la volonté libératrice de la laïcité.
Mais terminons par Voltaire qui écrivit : « La religion existe depuis que le premier hypocrite a rencontré le premier imbécile ! »