Ronald – ce fameux général quatre étoiles de la ségosphère, donc d’une espèce en voie de disparition imminente, les pauvres – soulève dans son dernier billet, mais sans s’en rendre compte, une question terriblement cruciale.
Trop heureux de pouvoir casser – croyait-il – du François Hollande, il cite ce dernier :
Ma priorité, c’est la jeunesse. C’est elle la plus concernée par le chômage, la précarité ou le mal-logement. Ma réponse, c’est l’éducation.
La France est parmi les pays industrialisés où le nombre d’élèves par enseignant dans le primaire est le plus élevé. Le taux de scolarisation des moins de trois ans est passé en dix ans de 34% à 13%. 150 000 jeunes sortent chaque année de l’école sans qualification.
Je mettrai un terme à l’hémorragie ouverte par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.
[…]
Je propose le vote d’une loi de programmation qui permettra de renforcer chaque année l’éducation nationale de 12 000 postes supplémentaires. Ces créations d’emplois n’affecteront pas le déficit public, puisqu’il ne s’agira pas d’augmenter le nombre de fonctionnaires, mais de définir des priorités et de les mettre en œuvre.
L’Education nationale devra relever de nouveaux défis fixés sur la base d’un contrat d’objectif : amélioration des résultats dans l’apprentissage des savoirs fondamentaux, grande sécurité dans les établissements, adaptation des rythmes scolaires aux besoins des enfants, et surtout, réduction des inégalités étant entendu que les moyens seront déployés là où les besoins sont les plus importants.
Et Ronald de s’empresser de soulever – croyait-il – le lièvre suivant :
Si je suis un jeune, disons de 25 ans , sorti du système scolaire avec ou sans qualification. Précaire, et habitant dans un logement de mauvaise qualité et avec des amis précaires ou au chômage eux aussi… Est ce que ce message là me parle ou leur parle ? Non, car je suis hors du public visé. Ca ne parle pas aux jeunes précaires, ni aux parents des jeunes précaires : Ceux-ci ne vont pas retourner à l’école, ce n’est pas proposé ici.
Mais alors à qui cela parle-t-il ? Aux parents des jeunes scolarisés sans doute. Pour les autres, il va falloir attendre. […] Un peu dommage non ?
Cette proposition de François Hollande ne parle pas à tout le monde donc elle ne parlerait à personne ?
Le raisonnement est pour le moins curieux.
Quand Ségolène parle de soumettre les jeunes délinquants à un encadrement militaire, elle ne parlerait seulement qu’aux délinquants et parents de délinquants ?
Ou alors ne s’agirait-il en politique que de répondre aux urgences et dans le court terme ?
Parce que d’une certaine façon, François Hollande avec cette proposition parle à tous ceux qui sont nés il n’y encore pas trop longtemps ou naîtront bientôt, et qui donc n’ont pas encore subi les foudres du libéralisme, ne sont pas encore relégués en marge de la société, se débattant et sombrant dans une précarité crasse.
Ce n’est pas si mal, je trouve, d’avoir pour ambition que ce qui est arrivé et arrive aujourd’hui à beaucoup finisse par ne plus arriver – ou moins systématiquement – à la génération à venir. Que ceux-là au moins soient préserver de cela, du déclassement. Que pour ceux-là au moins l’égalité des chances signifie un peu quelque chose. Que pour ceux-là il existe un ascenseur social qui ne fasse pas que descendre.
Nous crevons des politiques de court terme, nous crevons de ne penser que dans l’urgence, de ne panser que les urgences, de colmater les trous, de plus en plus de trous – et nous voici bientôt réduits à compter nos doigts et nous apercevoir que nous n’en avons désormais plus assez, depuis trente ou quarante ans que ça dure, toutes ces années où s’est développé cette société-gruyère qui finit par ne plus être qu’un vaste trou où croupissent de plus en plus d’hommes et de femmes, tandis qu’une petite minorité, toujours les mêmes, se fait péter la panse en se goinfrant du coeur de la meule.
Il est peut-être devenu urgent de bâtir, de construire, de penser à long terme, de prévenir plutôt que de guérir – d’ailleurs on ne guérit plus, on ne soigne plus, on en est à administrer des soins palliatifs.
Oui, c’est essentiel. Administrer des soins palliatifs aux mourants, c’est essentiel. On ne peut pas laisser les gens crever entre souffrance et indifférence. Mais si on pouvait aussi faire en sorte que les gens tombent moins malades…
Avoir pour ambition de faire le ménage, c’est bien. Mais s’il ne s’agit que de pousser la poussière sous le tapis, vraiment ça ne va pas suffire. Le temps est venu de s’armer pour un grand ménage, quand on s’occupe également que la poussière ne revienne plus. On passe l’aspirateur, on ponce le parquet, on étale la cire, on lustre, on fait briller… On prépare l’avenir, quoi. On ne se contente pas d’un simple petit coup de balai de gonzesse…
Oui, on s’occupe des mômes d’abord. Y compris de ceux qui ne sont pas encore nés. Et en priorité on s’occupe des enfants de demain des précaires d’aujourd’hui, on leur permet de s’imaginer un autre avenir que l’échec scolaire qui conduit à l’échec social, on leur promet autre chose que la délinquance ou le chômage, autre chose qu’un encadrement militaire parce qu’ils auront fait une connerie. Parce que la connerie, la première de toutes les conneries, c’est le renoncement à une école publique de qualité.
Oui, on s’occupe des mômes et d’abord on fait en sorte qu’au moins les plus défavorisés, ceux qui ont le plus de difficultés, sociales donc scolaires, scolaires donc sociales, que ceux-là au moins bénéficient de conditions d’enseignement acceptables, plutôt que d’être entassés et dépersonnalisés dans des classes surchargées, parce qu’il n’y a plus assez d’enseignants et que ceux qui restent sont eux-mêmes dévalorisés, déclassés, découragés, usés et fatigués avant l’heure. Parce qu’on leur a rendu impossible cette mission qu’on a prétendu leur confier et qui est en effet essentielle.
Oui, on s’occupe enfin des mômes. Non seulement on investit sur eux, mais on met même le paquet – ou alors je vois pas bien à quoi ça sert, la politique.