Ils sont 455 609 à avoir accordé leurs suffrages à Arnaud Montebourg. Sur près de 2,7 millions de votants c’est à la fois beaucoup et trop peu. Cela représente 17,2% des suffrages exprimés.
C’était trop peu pour figurer au second tour et leur candidat favori se retrouve éliminé de l’élection primaire. Il ne sera pas le candidat de la gauche à l’élection présidentielle. Et en même temps, c’est beaucoup. Parce qu’on attendait pas Arnaud Montebourg à ce niveau, parce que lorsque la campagne pour la primaire a débuté Arnaud Montebourg était perçu comme un petit candidat. Aussi, lui comme ses partisans voudraient que ça ne s’arrête pas là, pas tout de suite, qu’ils puissent encore jouer un rôle de premier rang dans cette élection, profiter déjà du statut qu’il vient d’acquérir.
C’est très précisément le chemin sur lequel s’était retrouvé François Bayrou en 2007 lors de l’élection présidentielle. Un candidat crée la surprise mais est éliminé de la course, c’est-à-dire qu’à l’instant même où il parvient à conquérir un rôle de premier plan il le perd. Il est le troisième homme, mais seul les deux premiers sont qualifiés. Et le voilà de sauter comme un cabri autour des finalistes pour continuer d’exister encore un peu, comme une poule à laquelle on a tranché le cou et qui continue de courir à travers la bassecour. Illusion. C’est là toute la violence du mode de scrutin uninominal à deux tours : le troisième homme disparaît à l’instant même où il s’est mis à exister.
Mais si l’homme disparait, c’est-à-dire le candidat, les idées qu’il a portées demeurent. De même que les électeurs qui se sont sentis proches de ces idées-là, qui aspirent alors à les voir porter par un autre, et qui se sentent orphelins quand ils constatent que les deux candidats encore en course ne s’y rallient pas avec tout l’enthousiasme nécessaire. Tout de même c’est notre candidat qui a créé l’évènement du premier tour, ce sont nos idées qui ont réalisé une percée, pensent-ils. Et ce sont nos voix qui feront le roi, en se reportant sur l’un ou l’autre. Nous sommes importants. Disent-ils.
A ceux-là dont je comprends et la déception et l’aspiration à poursuivre le combat, je voudrais rappeler qu’au-delà de la surprise créée et cette place de troisième brillamment obtenue, ils ne sont que 17% et comptent de fait pour à peine plus d’un électeur sur 6. Quelle importance accordent-ils donc aux cinq autres électeurs dont ils sont le sixième ?
Ils sont 455 609, certes. Ne pensent-ils pas que les plus d’un millions d’électeurs qui ont voté pour François Hollande et les 800 000 qui ont voté pour Martine Aubry ont également une petite importance ? Ne peuvent-ils s’imaginer que ceux-là aussi accordent une petite importance aux idées qu’ils défendent et espèrent voir défendues – plutôt qu’abandonnées – par les candidats qu’ils ont soutenus ? Comment tout à fait ignorer que 2 205 675 électeurs n’ont pas choisi Arnaud Montebourg, soit plus de 80% d’entre eux ? Et il faudrait que François Hollande et/ou Martine Aubry méprisent ceux-là pour faire leurs les idées d’Arnaud Montebourg ? Sérieusement !
Je voudrais rappeler aux partisans d’Arnaud Montebourg qui, j’ose l’imaginer, n’avaient pas voté pour François Bayrou au premier tour de la présidentielle de 2007, les rappeler au sentiment qui les avait probablement traversés, voire électrisés lorsque Ségolène Royal s’était entre les deux tours tournée très ostensiblement vers ce troisième homme là… Oui, rappelez-vous.
Surtout, à eux qui aujourd’hui se sentent orphelins des idées portées par Arnaud Montebourg, je voudrais également rappeler que le coeur du projet d’Arnaud Montebourg est identique à celui et de Martine Aubry et de François Hollande, parce qu’il s’agit du projet des socialistes, mis au point par le Parti Socialiste, avec le concours et le soutien actif d’Arnaud Montebourg. Mieux, de l’aveu même d’Arnaud Montebourg, sa différence tient essentiellement en trois points : la démondialisation, la mise sous tutelle des banques et la 6ème République. Alors je lis la lettre qu’Arnaud Montebourg a adressé à Martine Aubry et François Hollande… et je dois bien constater que si ces deux-là n’utilisent pas en effet le même vocabulaire, les mêmes slogans, ils sont globalement en accord avec les mesures concrètes qui sont exposées dans la petite bafouille d’Arnaud, et qui pour la majeure partie d’entre elles figure déjà dans le projet socialiste.
Vous n’êtes orphelin que d’Arnaud Montebourg. Vos idées elles sont globalement représentées dans l’un et l’autre des deux candidats du second tour. Pas toutes, pas avec une aussi grande pureté ou radicalité ? Mais c’est aussi que cette radicalité – du discours, essentiellement du discours ! – a été mise en minorité. Et ce fait là est incontournable.
Certes, le discours est essentiel en politique, mais tout de même, la réalité des propositions compte également un peu pour quelque chose. Non ?