Aujourd’hui, 18 juin 2012, la gauche a toutes les majorités en France.
Elle est majoritaire dans 22 régions sur 25. Elle est majoritaire dans 60 départements sur 100. Elle est majoritaire à Paris, Lille, Lyon, Nantes, Toulouse, Strasbourg, Montpelier, Metz, Rennes, Grenoble… Elle est majoritaire au Sénat. Et depuis hier, elle est donc majoritaire à l’Assemblée Nationale.
Sans oublier, bien entendu, la présidence de la République.
Toutes alors ?
Non. Un levier, et non des moindres, lui manque encore. La gauche ne possède pas la majorité des 3/5 au Congrès (Sénat et Assemblée Nationale réunis), majorité nécessaire pour toute révision constitutionnelle. Si la gauche peut en effet compter à elle seule sur ses 178 sénateurs et ses 343 députés, soient 521 parlementaires, ce sont 555 qui sont nécessaires pour franchir la barre des 3/5. Manque donc une bonne trentaine.
Or plusieurs des 60 engagements de François Hollande demandent une révision constitutionnelle. En particulier ce droit de vote accordé aux étrangers pour les élections locales qui fait tant rugir la droite extrême et l’extrême droite. Sur cette question particulière, François Hollande avait donné des précisions lors du débat de l’entre deux tours de l’élection présidentielle : soit une majorité des 3/5 serait trouvé au Congrès, soit un referendum serait organisé.
On devine déjà ce que serait le niveau des débats s’il fallait en passer par un referendum. L’UMP et le FN ne se priveraient pas de surenchérir l’un sur l’autre dans l’argumentation abjecte et xénophobe, jouant salement sur les peurs et les fantasmes pour stigmatiser encore, une fois de plus, certaines populations et pourrir un débat qu’on aimerait serein et apaisé, un débat normal – osons le mot.
S’il faut en passer par là, il faudra à François Hollande et à la gauche prendre leurs responsabilités et organiser ce referendum. On peut néanmoins espérer avoir la possibilité d’éviter de donner à la droite, à cette partie de la droite qui ne recule jamais devant le pire des populismes, l’occasion d’allumer et d’attiser un feu qui promet d’être dévastateur. La question est alors de savoir s’il est possible de trouver à droite une trentaine de députés responsables qui seraient disposés à aménager la Constitution française afin de la rendre plus moderne et plus juste, plus conforme aux valeurs de fraternité et de tolérance, plus à même de favoriser une société ouverte et apaisée.
On pense alors d’abord évidemment aux centristes. Ils sont 31 au Sénat et 16 à l’Assemblée Nationale. Ceux-là seraient donc plus que suffisant pour une révision constitutionnelle. Mais combien d’autres à l’UMP dont on sait qu’ils sont favorables au droit de vote des étrangers aux élections locales – et souvenons-nous que Nicolas Sarkozy s’était lui-même un temps déclaré ouvert à titre personnel à une telle mesure, avant de se renier pour des motifs salement électoraux -, combien d’entre eux préfèreront la responsabilité et l’honnêteté intellectuelle plutôt que de céder encore et encore à la pression nationale-populiste ?
Après quelques dix années de sarkozysme et tant de reniements, tant de compromissions avec les valeurs, tant de digues républicaines enfoncées, la droite apparaît aujourd’hui exsangue, en perdition, sans plus ni boussole ni repères, et en conséquence incapable de faire vivre l’indispensable débat démocratique. Aujourd’hui durablement dans l’opposition, il faut à la droite se reconstruire et d’abord s’assurer de nouvelles fondations.
Le débat constitutionnel qui viendra sera l’occasion de vérifier si la droite sera parvenue à se creuser des fondations ailleurs que dans ce bourbier nauséabond où elle semble aujourd’hui encore s’ébattre de bon cœur. Oui, une excellente occasion.