2 650 000 votants ! C’est, avant tout autre, ce résultat, celui de la participation, qu’il faut souligner. Se souvenir qu’au tout début de cette aventure, celle d’une élection primaire où les sympathisants de gauche seraient appelé à voter pour choisir leur candidat à l’élection présidentielle, l’ambition était de rassembler plusieurs centaines de milliers d’électeurs. Ce n’est que dernièrement, suite aux audiences records des débats télévisés sui se sont succédés, que l’on a commencé à dire que dépasser le million serait la marque d’un succès. Non seulement le million a été franchi, mais on dépasse les deux millions. C’est une grande victoire pour le Parti Socialiste, une grande victoire pour le peuple de gauche.
Avec 40% et peut-être un peu moins (résultats non définitif), François Hollande arrive nettement en tête mais, s’il est en ballotage assez favorable, moins qu’il ne pouvait l’espérer. Il se retrouve plutôt dans la fourchette basse de ce que mesuraient les sondages.
Avec 30% et sans doute un peu plus (résultats non définitif), Martine Aubry se retrouve au contraire dans la partie haute de la fourchette et a de quoi se réjouir. Le second tour sera difficile, mais l’affaire est plus que jouable.
Nettement au-delà des 15% (résultats non définitif), Arnaud Montebourg s’installe très confortablement à la troisième place et se retrouve en position d’arbitrer le second tour – à ceci près que c’est un abus de langage, une élection se joue sans arbitre. C’est néanmoins une belle victoire pour lui, ses partisans et les idées qu’ils se sont efforcés de mettre en avant tout au long de la campagne : un protectionnisme européen, un contrôle sérieux du système bancaire, une profonde réforme de nos institutions. Au-delà du second tour et même des présidentielles de 2012, Arnaud Montebourg a pris date pour l’avenir. Saura-t-il assumer cette nouvelle dimension qu’il vient de prendre, tenir le rôle qu’il lui échoit, c’est dès à présent toute la difficulté qu’il lui faut affronter. Les jours qui viennent seront une première indication.
7% pour Ségolène Royal, la giffle est sévère et, farouche adversaire politique à gauche, j’en suis néanmoins attristé en pensant à la tristesse qu’elle et ses partisans doivent ressentir. Aveuglés par leur propre enthousiasme, ceux-là ont fait écran entre elle et une réalité politique qui était pourtant plus que palpable depuis deux, peut-être trois ans. Les Français en général, le peuple de gauche en particulier, ne souhaitait pas, refusait l’idée d’avoir à tenter une fois de plus l’aventure avec elle – une aventure qui ne fut pas belle, comme elle le répétait encore il y a quelques jours, mais désastreuse. Inutile d’épiloguer, cette fois l’histoire est belle et bien terminée – du moins dans sa dimension présidentielle.
Avec 6%, Manuel Valls est à la place qu’on pouvait sans difficulté lui prédire. Le social-libéralisme qu’il porte n’est pas moderne, il est rien moins que décalé, hors-temps, en phase avec rien de ce qui peut et doit animer la gauche aujourd’hui face à l’ampleur du désastre social dont le libéralisme est évidemment coupable.
Jean-Michel Baylet n’atteint pas même le petit pour-cent qu’on espérait par sympathie lui voir atteindre. Mais je ne crois pas non plus qu’il courrait après un score, il avait davantage l’ambition de pouvoir profiter d’une tribune pour exprimer la singularité d’un trop méconnu radicalisme de gauche. C’est chose faite, et plutôt bien faite.
Et maintenant ?
Il faut se garder d’additionner des pourcentages, prendre conscience que sur 2 300 000 voix, 1% représente seulement 23 000 électeurs, comprendre que ces 2 300 000 sont susceptibles de devenir 3 000 000 dimanche prochain et qu’en outre ce ne seront pas nécessairement les mêmes. Le second tour est bien plus ouvert que ne le laisseraient imaginer les 10 points qui séparent Martine Aubry de François Hollande – 15 même si l’on fait l’hypothèse que les 5% de Manuel Valls sauraient se retrouver sur François Hollande.
Mais il faut se mouiller, sinon ce ne serait pas drôle.
La tonalité de la soirée électorale me laisse penser que Ségolène Royal devrait appeller de manière plus ou moins voilée à voter pour François Hollande. Ces deux-là n’ont en réalité, et par-delà des stratégies divergentes, jamais été politiquement très éloignés l’un de l’autre, quand de l’autre côté il est difficile d’imaginer que les rancunes puissent être aisément surmontées et qu’on en vienne à demander aux partisans de Ségolène Royal de s’en aller voter pour une Martine Aubry qui n’a jamais cessé d’être celle qui lui avait volé la victoire lors du Congrès de Reims, et plus grave encore de rejoindre un camp où se trouve des Fabius, Bartolone et autre Campadélis… Inimaginable !
Et comme je suis pas loin d’être prêt à tenir le pari qu’Arnaud Montebourg lui aussi, et peut-être contre toute attente, se ralliera en définitive au panache batave, je continue de penser que François Hollande devrait assez logiquement sortir gagnant de la primaire.
Surtout, je continue de penser que la pire des situations seraient celle d’une victoire de l’un ou de l’autre dans un mouchoir de poche, départagés par seulement quelques centaines de voix contestables, forcément contestables tant serait alors grande la tentation de les contester. Et après tout ce chemin parcouru, le Parti Socialiste de se retrouver à se débattre dans les affres dévastateurs des querelles intestines et des petits règlements de compte entre apparatchiks.
Il reste que ce dimanche soir, au cours de leurs déclarations respectives, Martine Aubry et François Hollande ont l’un et l’autre été très bons – et si pour le second ce n’est guère une surprise, je dois avouer que c’est la première fois depuis le début de cette campagne que je trouve Martine Aubry suffisamment détendue pour donner toute sa mesure. Tant mieux, dans la mesure où ce pourrait être elle notre candidate, celle qui devra affronter et battre un Nicolas Sarkozy qui sera de toute façon redoutable (souvenons-nous que les élections présidentielles en France ont la fâcheuse tendance à se jouer à 51% contre 49%…). Oui, tant mieux, bien que je continue de considérer que François Hollande est davantage en mesure de sortir vainqueur d’un tel affrontement.
Il est plus que probable que Martine Aubry ferait une bonne Présidente de la République, probablement différemment mais tout autant que François Hollande, mais voilà, avant de l’être il faut d’abord parvenir à le devenir… et je suis convaincu que François Hollande ferait un meilleur candidat, un candidat qui serait davantage en mesure de battre Nicolas Sarkozy et de devenir effectivement Président.
Je voterai François Hollande.