Notre ennemi, ce ne sont pas les CRS.
Notre ennemi, ce n’est pas le gouvernement. Ni même Manuel Valls ou François Hollande. Ou encore la Commission Européenne.
Notre ennemi, ce n’est pas la droite. Ni même le MEDEF en particulier, encore moins les patrons en général. Pas le Parti Socialiste non plus…
Notre ennemi c’est le Système. Et les fondations de ce Système, c’est le capitalisme financier. Notre chance est que ce sont des fondations plutôt fragiles, ou friables, pour peu que nous en prenions conscience.
Notre ennemi c’est la Finance et c’est là, et là seulement, qu’il nous faut concentrer nos efforts, notre insurrection.
Il ne s’agit pas d’assiéger une banque le temps d’une après-midi. Il ne s’agit pas non plus d’aller réquisitionner des chaises dans une agence. Encore moins de casser la vitrine d’une Société Générale. Ça ne lui fait jamais grand mal, à la Banque. Et elle rigole doucement, quand on la chatouille, la Finance.
Si l’on veut changer le Système, le changer radicalement, le mettre à mal puis le révolutionner, c’est sur ce constat qu’il me semble qu’il nous faut d’abord tomber d’accord. Faire ce constat et cesser de faire mumuse avec les CRS, Valls ou les vitrines de la Société Générale. S’en prendre au monde de la Finance.
Faire ce constat et puis agir en conséquence.
Je n’ai pas la prétention d’avoir une action clé en main à proposer, mais à partir de ce constat, je propose ici le début de la queue d’une idée – et ce sera ma modeste et très humble contribution au mouvement #NuitDebout. Je ne sais pas si elle est bonne, je la pose juste là, sur la table. On s’en saisira ou pas.
D’abord dire qu’il est nécessaire d’agir au même niveau que la Finance, à savoir à un niveau global. La France, c’est bien trop petit. L’Europe, ça ne pèse pas assez encore. Un mouvement citoyen aujourd’hui, face à un Système qui s’est accaparé la planète entière, doit être aussi mondial que possible.
Ensuite, comprendre que nous ne saurions mettre par terre tout le Système en l’attaquant frontalement, globalement. En revanche, il ne devrait être pas trop difficile – pour peu que nous soyons suffisamment nombreux, c’est-à-dire des millions quand même (mais c’est ce que nous sommes, non ? Des millions…) – de leur faire peur, de paniquer le Système, de générer son implosion.
Imaginons donc – par exemple – que nous fassions une liste des 120 plus grandes multinationales et imaginons que nous annoncions que chaque mois de l’année – et pendant dix ans s’il le faut – les millions que nous sommes nous attaquerons à l’une d’entre elles – durant un mois entier, boycott des produits, grèves des salariés (dont les millions que nous sommes pourraient aisément compensés les salaires), occupation des locaux, divulgation d’informations la concernant, etc… Tout ce qui pourra contribuer à fragiliser durablement la multinationale visée, au point que les actionnaires et les marchés boursiers s’en inquièteraient suffisamment, et que l’action se mettent à chuter plus que sensiblement.
Une par mois, pendant dix ans s’il le faut, et en gardant toujours l’incertitude sur l’identité de la suivante – par exemple tirer au sort la suivante un mois avant, afin de se préparer, afin que les marchés anticipent, que la peur s’installe – parce que les marchés ne détestent rien tant que l’incertitude. Faire en sorte que la menace soit crédible, pèse sur chacun des grands groupes financiers qui gouvernent le monde, bâtir une action citoyenne financièrement ultra-violente, dévastatrice. En un mot, accélérer l’inévitable chute d’un système qui agonise depuis déjà trop longtemps.
La Finance est notre ennemi et les marchés boursiers sont sa vulnérabilité.
Au XXIème siècle, la Révolution sera financière ou bien ne sera pas. Il ne s’agit plus de couper des têtes ou de lancer des pavés, encore moins de faire tomber un gouvernement qui n’a de toute façon plus les moyens d’agir sur le cours des choses – et qu’un autre, peu ou prou le même, remplacerait aussitôt. Il s’agit uniquement de faire fondre la valeur financière, de faire s’écrouler les marchés financiers. Parce que ce sont eux, et eux seulement, qui sont les puissants et les oppresseurs.
Et il ne suffit pour cela, en vérité, que de leur faire peur.
Et notre force, c’est le nombre.
Voilà sur quoi il me semblerait utile de travailler :
- Trouver le moyen le plus efficace pour, en étant des millions, faire mal à la Finance – faire réfléchir des économistes sur le sujet ;
- Devenir des millions, à travers le monde entier – développer les outils 2.0 d’une coordination planétaire ;
- Frapper ensemble et faire mal ;
- Penser le Monde d’après et lui donner une cohérence systémique – oui, ça pourrait s’avérer utile, quand même…
Voilà sur quoi il me semblerait utile de travailler.
Toute autre action de moindre envergure ne s’apparente en réalité à rien d’autre qu’à chatouiller les couilles du mammouth.
Moi, ça fait bien longtemps que je n’en retire plus aucune satisfaction politique.
Parce que j’en ai plus qu’assez de faire mumuse, et de contempler mes petites victoires symboliques en faisant mine de ne pas voir qu’au fond ça ne change rien.
Et ce billet de blog non plus, au fond, évidemment…
Post Scriptum long et dense qu’on peut éviter de lire – J’écris cela après avoir passé du temps place de la République, avec les #NuitDebout parisiens. J’y ai croisé quatre groupes. Le groupe des passants curieux. Celui de ceux qui cherchent à éveiller les consciences, à retrouver en chacun le citoyen et sa responsabilité, à rencontrer l’autre dans un retour bienvenu à l’agora et au politis. Le troisième groupe est constitué de ceux qui veulent agir, voir converger les luttes, mener des opérations qui frappent positivement les esprits, donner une visibilité à un mouvement afin qu’il grandisse. Le dernier groupe est à l’affût, militants aguerris de la révolution violente et experts de l’entrisme, allumant ici ou là des mèches et espérant qu’à la fin tout finisse par s’embraser et qu’enfin survienne le Grand Soir – ce Grand Soir messianique qu’ils attendent fiévreusement et se promettent ardemment depuis un demi-siècle. J’ai croisé ces quatre groupes, finalement assez distincts, et je me suis retrouvé convaincu que le quatrième groupe aurait la peau de la fraîcheur, pourtant si indispensable aujourd’hui, qui émane d’une façon ou d’une autre des trois autres groupes. Parce que, par essence, la fraîcheur ça ne dure jamais et que les petits gars du Grand Soir savent comment exploiter les frustrations et les aigreurs, la déception d’un mouvement qui espère beaucoup mais ne débouche sur rien qui ne soit surtout symbolique, et finalement vain – tant l’ennemi est puissant. Et il m’est apparu essentiel non seulement d’identifier précisément cet ennemi – et le consensus semble assez large sur ce point – mais également de dire qu’il nous fallait cesser de nous en prendre à ses petits soldats – un Premier Ministre, un patron du Medef, une agence bancaire -, cesser de nous laisser piéger par la tentation narcissique de l’action symbolique et son retentissement médiatique, cesser de faire des ronds de jambe pour décider de frapper à la tête. Notre ennemi c’est la Finance. Tout doit partir de là et tout doit y converger.