Hier sur Twitter, un camarade du Front de Gauche demandait innocemment : « Parce que François Hollande est de gauche ? Il est pas centriste ? »
Plusieurs réponses étaient possibles. On pouvait rappeler au camarade que partout où le Front de Gauche – c’est-à-dire principalement le Parti Communiste et le Parti de Gauche – est en responsabilité, dans les régions, les départements, les villes et les villages de France, il l’est allié avec le Parti Socialiste. Le Front de Gauche semblerait donc très bien s’accommoder d’une alliance avec les « centristes », ces socialistes qui ne seraient donc pas de gauche.
On pouvait aussi rappeler à l’innocent camarade qu’il ne lui revient pas de décerner des brevets de gauche, que c’est là le rôle du peuple, lequel depuis désormais trente ans met le Parti Socialiste largement en tête de l’ensemble des partis de la gauche. Prenons les dernières en date : Aux régionales de 2010, le Parti Socialiste a recueilli 29% des suffrages, Europe Ecologie 12%, le Front de Gauche (PCF et PG) 6%, l’extrême gauche (NPA et LO) 3,5% et les divers gauche 3%… Aux cantonales de le Parti Socialiste a recueilli 25% des suffrages, Europe Ecologie 8%, le Front de Gauche 9%, l’extrême gauche 0,5% et les divers gauche (dont PRG) 7%…
Dit autrement, le Parti Socialiste aujourd’hui, d’après le peuple, c’est entre 50 et 60% de toute la gauche. Et si on prend en compte les divers gauche, qui eux aussi sont probablement des centristes, selon notre bon camarade, ça fait deux tiers de la gauche française qui ne serait pas la « vraie gauche ». Ce qui serait pour le moins paradoxal.
Dit autrement, la « vraie gauche » c’est moins de 20% de toute la gauche, soit au mieux un électeur de gauche sur cinq. Un électeur sur cinq qui serait donc fondé à mépriser les quatre autres, leur donner des leçons de gauche ? Quelle arrogance ! Le pouvoir au peuple, vraiment ?
On se demande d’ailleurs comment en ne représentant que moins de 10% de l’ensemble du corps électoral français, cette « vraie gauche » serait à même de prendre le pouvoir et mener une politique de transformation sociale ?
Ces quelques réalités chiffrées permettent d’ailleurs de comprendre pourquoi lorsque l’idée de primaires à gauche a été lancée, ce qui s’entendait à l’origine comme une organisation commune, avec des modalités communes, de la désignation du candidat de la gauche à l’élection présidentielle par l’ensemble du peuple de gauche, ainsi que des réflexions autour d’un programme commun, ou tout du moins de son noyau, avec débats contradictoires sur la place publique entre les différentes composantes de la gauche, oui on comprend pourquoi Jean-Luc Mélenchon avait alors courageusement botté en touche – l’homme a en effet toujours préféré les rodomontades que d’affronter la réalité de son poids politique. Que de la gueule, comme on dit…
Mais tout ça ne tenait pas en 140 caractères. Aussi ai-je préféré retourner au camarade de la « vraie gauche » mon propre questionnement innocent : « Parce que Jean-Luc Mélenchon est de gauche ? Il est pas populiste ? »
C’est que, comme le disait déjà Jaques Higelin en 1981 : « En allant à gauche et en faisant le tour, on revient forcément par la droite »… Et l’on comprend soudain ce qui ce week-end aura conduit Jean-Luc Mélenchon à joindre sa voix à celle de Jean-François Copé, patron de l’UMP, pour faire de François Hollande son punching ball.
Hollande serait « un capitaine de pédalo » dans la tempête. Voilà tout ce qu’a trouvé Mélenchon pour être constructif… et juste après s’être lui-même plaint du mépris de François Hollande à son encontre, parce que celui-ci refusait de débattre avec lui. Mais s’il voulait tant débattre publiquement que n’a-t-il donc participé à ce processus des primaires auquel il était convié ? Plusieurs débats devant chaque fois plusieurs millions de téléspectateurs et, à la fin, la sanction du vote. Que n’en a-t-il profité ? Ha oui, la sanction du vote…
« Un capitaine de pédalo » ? Quel mépris, justement, de la part d’un homme qui ne semble n’avoir désormais d’autre ambition que de s’en venir bourdonner à l’oreille du capitaine : bzzz, plus fort sur la pédale gauche… bzzz, et au second tour c’est grace à moi si tu l’emportes… bzzz, attention à la grosse vague… bzzz, Sarkozy a gagné ? non non, j’y suis pour rien… bzzz bzzz bzzz… Que de la gueule !
Le Coche et la Mouche
Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au Soleil exposé,
Six forts chevaux tiraient un Coche.
Femmes, Moine, vieillards, tout était descendu.
L’attelage suait, soufflait, était rendu.
Une Mouche survient, et des chevaux s’approche ;
Prétend les animer par son bourdonnement ;
Pique l’un, pique l’autre, et pense à tout moment
Qu’elle fait aller la machine,
S’assied sur le timon, sur le nez du Cocher ;
Aussitôt que le char chemine,
Et qu’elle voit les gens marcher,
Elle s’en attribue uniquement la gloire ;
Va, vient, fait l’empressée ; il semble que ce soit
Un Sergent de bataille allant en chaque endroit
Faire avancer ses gens, et hâter la victoire.
La Mouche en ce commun besoin
Se plaint qu’elle agit seule, et qu’elle a tout le soin ;
Qu’aucun n’aide aux chevaux à se tirer d’affaire.
Le Moine disait son Bréviaire ;
Il prenait bien son temps ! une femme chantait ;
C’était bien de chansons qu’alors il s’agissait !
Dame Mouche s’en va chanter à leurs oreilles,
Et fait cent sottises pareilles.
Après bien du travail le Coche arrive au haut.
Respirons maintenant, dit la Mouche aussitôt :
J’ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.
Ca, Messieurs les Chevaux, payez-moi de ma peine.
Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
S’introduisent dans les affaires :
Ils font partout les nécessaires,
Et, partout importuns, devraient être chassés.Jean de La Fontaine