Déc 082012
 

droit de vote etrangersNicolas m’apprend qu’une brochette de personnalités (une grosse brochette, ils sont 150) signent, sous l’égide de Touche pas à mon poteune pétition intitulée : Droit de vote des étrangers aux élections locales : Nous n’attendrons plus !

Très bien. Ils ont raison. Bravo. Nous avons en effet plus qu’assez attendu. Mais…

En préambule de la pétition, on peut lire la présentation suivante : « Depuis 30 ans, les partis politiques justifient leur refus d’accorder le droit de vote à tous les étrangers par le fait que l’opinion publique française ne serait pas prête à une telle avancée démocratique. Démontrez le contraire, c’est urgent ! »

C’est une connerie. Toujours cette volonté d’une certaine société civile de rassembler en mettant tout le monde dans le même sac, en dépit de toute réalité politique.

Il se trouve en effet que le Parti Communiste, le Parti Socialiste, les Verts, le Parti de Gauche et le Parti Radical de Gauche, tous sont désormais favorables au droit de vote des étrangers aux élections locales. Mieux, François Hollande a été élu sur un projet comprenant cette mesure. Seuls les partis de droite tergiversent ou s’y opposent.

Pourquoi éviter de le dire ?
Pourquoi éviter de s’adresser précisément à la droite quand c’est parmi eux qu’il est nécessaire de convaincre ?
Le but est-il de se faire mousser en brassant du vent ou de rechercher l’efficacité ?

La pétition elle-même, après avoir développé un argumentaire pertinent, se termine sur cette adresse :

Nous, représentants de la société civile, demandons solennellement au Président de la République de concrétiser cette exigence démocratique et cet impératif d’égalité que constitue le droit de vote et d’éligibilité des étrangers aux élections locales, afin que chaque citoyen puisse faire partie du corps électoral pour les élections locales de 2014. 

Ils n’ont pas compris. Ils ne s’adressent pas à la bonne personne. Le Président de la République est favorable à cette mesure. Il l’a dit, il l’a répété, de même qu’il a dit et répété qu’une telle loi exige une réforme constitutionnelle. Or il n’y a que deux voies pour une telle réforme, soit obtenir une majorité des 3/5 au Congrès (Assemblée Nationale et Sénat réunis), soit l’organisation d’un referendum.

Organiser un referendum sur cette question, aujourd’hui, c’est aller au casse-pipe. C’est prendre le risque d’un débat délétère – mais pourquoi pas, il n’est pas forcément mauvais de forcer les loups à sortir des bois, même si l’on peut considérer que les étrangers de France ont ces derniers temps largement eu leur part de stigmatisation, qu’il n’est peut-être pas tout à fait utile de leur en faire subir davantage, pas tout de suite pas maintenant. Surtout si c’est courir à un rejet de la mesure, probablement pour de mauvaises raisons, c’est-à-dire pour des raisons non liées à la question posée, mais un rejet tout de même qui conduira à renvoyer au calandres grecques ce droit pour lequel on voudrait, en effet, ne plus avoir à attendre.

Bref l’organisation d’un referendum ce serait lâcher les chevaux de la xénophobie pour un résultat probablement négatif qui aurait pour ultime conséquence que les étrangers aient justement à attendre une bonne décennie supplémentaire avant qu’on leur reconnaisse ce droit légitime à une expression démocratique sur leur lieu de résidence.

Réunir le Congrès, c’est aujourd’hui la seule solution. Or, aujourd’hui, la gauche n’a pas à elle seule cette indispensable majorité des 3/5 qui permettrait la réforme constitutionnelle nécessaire à l’instauration du droit de vote des étrangers aux élections locales. C’est une réalité politique incontournable à laquelle nos éminents représentants auto-proclamés de la société civile auraient été bien inspirés de s’intéresser. Ça leur aurait permis de comprendre à qui ils auraient été utile de s’adresser, c’est-à-dire aux députés et sénateurs de droite. C’est eux qu’il est nécessaire de convaincre, si vraiment on veut affirmer que l’on n’attendra plus.

Faute de cela, on fait simplement une pétition à la con de plus. Une pétition pour se donner bonne conscience, donner le sentiment de s’engager tout en prenant bien soin de ne pas s’engager vraiment.

Aidons-les. Faisons-les compte. Décrivons la réalité des rapports de force. Etablissons la vérité politique. Le Congrès, ce sont 348 sénateurs et 577 députés, soit un total de 925 représentants. Obtenir une majorité des 3/5 signifie convaincre un minimum de 555 d’entre eux. On dénombre au Sénat : 128 socialistes ou apparentés, 20 communistes et apparentés, 18 radicaux de gauche et apparentés et 12 écologistes ; à l’Assemblée Nationale : 296 socialistes et apparentés, 17 écologistes, 16 radicaux et apparentés et 15 communistes et apparentés. Soit un total de 521 représentants de la gauche. 521 élus de la gauche pour une majorité à 555, voilà tout le problème.

Soyons clairs, il manque un minimum de 33 voix pour obtenir la majorité nécessaire, à trouver parmi les non inscrits (14), les élus de l’UDI (61) et ceux de l’UMP (325). En conséquence de quoi :

Moi, représentant de la société civile, je demande solenellement aux signataires de la pétition intitulé Droit de vote des étrangers aux élections locales : Nous n’attendrons plus ! de revoir leur copie et de veiller cette fois à assumer jusqu’au bout leur très honorable engagement en s’adressant spécifiquement aux élus de la droite qui font seuls obstacle aujourd’hui  à la concrétisation de cette exigence démocratique et cet impératif d’égalité que constitue le droit de vote et d’éligibilité des étrangers aux élections locales, afin que chaque citoyen puisse faire partie du corps électoral pour les élections locales de 2014.

 Si je peux me permettre une suggestion, visez plus spécifiquement les centristes…