« Il y a un petit air de panique, c’est comme le casse-noix, faut que ça serre des deux bords : Macron et Mélenchon. Et au milieu, ça fait de l’huile » – Jean-Luc Mélenchon en meeting au Mans, mercredi 11 janvier 2017.
Une petite saillie qui en dit long sur l’ambition de Jean-Luc Mélenchon dans une campagne présidentielle qu’il mène désormais depuis… près de cinq ans. C’est en réalité tout simple, l’ambition de Jean-Luc Mélenchon n’est pas de devenir président, n’est pas d’appliquer son programme, elle est seulement – et cela représente déjà tellement pour lui – d’obtenir au premier tour un score supérieur à celui qu’obtiendra le candidat du Parti Socialiste. Obtenir sa petite revanche. Casser des noix.
Depuis cinq ans, Jean-Luc Mélenchon a tout fait pour être dans l’incapacité politique de rassembler et de gagner un second tour. Il en est devenu politiquement impuissant, donc inutile. Et il le sait.
Jean-Luc Mélenchon sait qu’il ne gagnera pas tout seul, et il sait que sur son seul programme il ne rassemblera pas plus de 20% des suffrages lors d’un premier tour, qu’il en obtiendra plus probablement moins de 15%, et que si tout se passe à merveille il peut rêver d’un miracle et atteindre les 25%. Et après quoi ?
Admettons que le miracle se produise, Jean-Luc Mélenchon obtient 25% des suffrages et se qualifie au second tour en passant non seulement devant le candidat socialiste (yeepee), mais également devant Emmanuel Macron et Marine Le pen. Admettons même que le candidat socialiste (réduit donc à un état huileux) se montre plus responsable que responsable et appelle à voter pour lui, et que les électeurs socialistes du premier tour veuillent bien oublier tout ce qui les rebutent chez Jean-Luc Mélenchon (et ne vous y trompez pas, il en dégoûte plus d’un). Cela ne suffira pas et vous le savez, et en tout cas Jean-Luc Mélenchon le sait.
Quoi ? Il faudrait encore que ceux qui auraient porté leurs suffrages sur Emmanuel Macron au premier tour rejoignent Jean-Luc Mélenchon au second ? Ceux-là même à qui l’on reproche aujourd’hui d’être de droite ? C’est avec les voix de la droite que Jean-Luc Mélenchon compte au final se faire élire ? Des électeurs de droite qui oublieraient soudainement de voter à droite ?
Admettons. La gauche est recomposée. Dans le casse-noix Macron-Mélenchon, le Parti Socialiste s’est retrouvé broyé. Voici donc la gauche marchant sur deux jambes : une jambe social-libérale, une jambe gauche radicale, ainsi que Jean-Luc Mélenchon pense que marche la gauche. Moi – mais je ne suis pas Jean-Luc Mélenchon – je pense que l’état politique de la gauche française en est encore à s’appuyer plus fortement sur sa jambe droite que sur sa jambe gauche, mais admettons : le candidat socialiste est étrillé au premier tour, Mélenchon se retrouve devant Macron, et se retrouve même au second tour. C’est un exercice de politique fiction un peu dingue, mais admettons. Que se passe-t-il alors ? Comment Mélenchon devient président de la République ? Comment passe-t-il la barre des 50% ? Comment réalise-t-il le nécessaire, l’indispensable rassemblement des gauches ? Comment parvient-il à se rallier les suffrages des sociaux-libéraux ?
Pour Jean-Luc Mélenchon, Macron est de droite. Et Valls aussi. Et Hollande ne vaut pas mieux que Sarkozy. Et Peillon est son clone. Et Hamon et Montebourg sont des pantins de la social-démocratie qui ont collaboré avec Hollande et Valls. Mais s’il ne s’agissait encore que de ceux-là… Jean-Luc Mélenchon tente de faire croire que tous ces responsables politiques ne représentent rien ni surtout personne à gauche, qu’il n’est possible d’être de gauche qu’en se ralliant à son blanc panache, qu’il n’y a pas dans le peuple de gauche une sensibilité qui se retrouve sincèrement et en conscience dans la ligne politique défendue par Macron ou Montebourg, Valls ou Hamon, Peillon ou Jadot… Ce sont tous ces gens-là dont Jean-Luc Mélenchon n’a cessé de mépriser les convictions politiques depuis cinq ans, tous ces électeurs dont évidemment beaucoup trop manqueraient ensuite à l’appel des urnes lors d’un éventuel – et archi hypothétique – second tour entre Mélenchon et la droite.
Car toute la stratégie de Mélenchon est de proclamer « la gauche c’est moi et tous ceux qui se disent de gauche mais ne sont pas derrière moi sont en réalité d’infâmes traitres ». Que pensez-vous que feront les infâmes traîtres quand Jean-Luc Mélenchon en sera (mais ça n’arrivera pas) à leur demander leurs suffrages ?
Il connait la réponse, Jean-Luc Mélenchon. Et il s’en fout. Toute sa stratégie depuis cinq ans est tourné vers un et un seul objectif : obtenir sa petite revanche personnelle sur le Parti Socialiste, être devant le candidat socialiste au premier tour de la présidentielle. L’ironie de l’histoire serait qu’il y parvienne et se retrouve au bout du compte derrière Emmanuel Macron (ne nous mentons pas, c’est aujourd’hui le plus probable). La gauche s’en trouverait en effet recomposée… mais en pire.
Mais il s’en fout, Jean-Luc Mélenchon. Il s’en fout et désormais il ne se retient donc même plus de reconnaître en Emmanuel Macron un allié objectif dans son entreprise dite du casse-noix. Et c’est exactement cela qu’il est et on peut le remercier de cet aveu : si le candidat socialiste était une noix, Jean-Luc Mélenchon serait le candidat casse-noix – et qui serait impuissant sans Emmanuel Macron. Voici donc révélée toute l’ambition de Jean-Luc Mélenchon, composer un duo avec Emmanuel Macron et briser la noix socialiste. Génial ! Et le peuple, il y gagne quoi ? Un président de droite.
On nous en a servi des tonnes à propos de la trahison de François Hollande, qui n’aurait pas appliqué in extenso tout ce qu’il avait promis en 2012. Au moins a-t-il été élu. Au moins a-t-il mis en œuvre quelques réformes un peu moins qu’anodines et pas tout à fait de droite. Jean-Luc Mélenchon peut bien faire toutes les promesses du monde, il sait qu’il ne sera jamais en mesure d’en tenir une seule. Il sait – parce que c’est un très fin politique – qu’il a adopté une stratégie qui lui interdit toute chance d’être élu, et que sa stratégie en elle-même est une terrible trahison.
Car en vérité, la seule promesse de Jean-Luc Mélenchon, c’est François Fillon.
Ô Dieu ! je pourrais être enfermé dans une coquille de noix, et me regarder comme le roi d’un espace infini, si je n’avais pas de mauvais rêves.
Hamlet – William Shakespeare