Aujourd’hui, à l’Assemblée Nationale, l’UMP qui est politiquement inexistante depuis bientôt deux ans a tenté une petite manoeuvre de récupération sur sa droite, à l’occasion du recul du gouvernement sur la loi famille. Mal lui en a pris, la réponse de Jean-Marc Ayrault fut cinglante.
Car si recul il y a eu, c’est évident, il semble que le gouvernement n’ait pas nécessairement renoncé à présenter ultérieurement une telle loi, c’est-à-dire après que le Comité consultatif national d’éthique aura rendu son avis, donc courant 2015.
Un recul sous la pression des réactionnaires et dans un souci d’apaisement, parce que c’est aussi sur ce thème que François Hollande s’est fait élire, et parce que la gauche dans son ensemble a abandonné la rue aux réactionnaires – la gauche dans son ensemble mais plus particulièrement la gauche de la gauche qui n’a visiblement d’autres préoccupations que de taper sur le gouvernement, qui a refusé de s’engager dans la bataille des sujets de société, arguant que les sujets économiques étaient bien plus importants, et qui s’en vient désormais très hypocritement hurler à la trahison, alors même que le gouvernement recul pour consacrer tout le temps de parlement disponible à la question du chômage.
La gauche de la gauche s’est réjouie pendant des mois de voir les réactionnaires descendre en masse dans les rues de Paris et ainsi affaiblir le gouvernement dans sa volonté de faire entrer les lois concernant les familles dans une ère de progrès. Et c’est ainsi sans elle que le mariage a été ouvert aux couples homosexuels. Et le débat sur la PMA, c’est sans elle également qu’il s’est ouvert. Profitant de ce mutisme d’une partie de la gauche, le rapport de force a fini par tourner à l’avantage des réactionnaires et le gouvernement a reculé. Et voilà Jean-Luc Mélenchon de sortir aussitôt de sa boîte pour éructer sur le thème de la trahison. Mais qui donc a trahi ?
Bref, à écouter cette après-midi Jean-Marc Ayrault, on se prend à espérer que ce recul pourrait finalement ressembler à un repli stratégique : apaiser, dégonfler les réacs, se consacrer à l’emploi, remobiliser la gauche et parvenir enfin à voter une loi ambitieuse pour les familles, toutes les familles.
Dans cette hypothèse, la gauche peut se contenter de piailler « trahison », pleurnicher sur la PMA et taper sur le gouvernement sans mesure ni nuance, ou bien se saisir de cette opportunité pour cette fois démontrer que les forces de progrès sont plus puissantes que les forces réactionnaires.
Jean-Marc Ayrault a énuméré les décisions déjà prises ces dix-huit derniers mois en faveur des familles. Cela peut s’avérer utile de considérer si, sur ce sujet tout au moins, la gauche au pouvoir ne serait pas par hasard un peu au rendez-vous d’elle-même – mais l’on pourrait également évoquer le boulot réalisé en moins de deux ans par des ministères aussi peu importants que celui de l’éducation, de la justice ou du droit des femmes (par exemple).
- augmentation de 25% de l’allocation de rentrée scolaire pour les familles en difficultés ;
- mesures pour les enfants pauvres et les familles mono-parentales ;
- réduction du déficit de la branche famille, garantissant l’universalité des allocations familiales ;
- égalité des droits hommes-femmes dans l’exercice parental ;
- création de 275 000 places en crèches ;
- droit au mariage pour tous les couples ;
- consolidation de la loi sur l’IVG.
Ce n’est pas assez, il est possible de le dire. C’est déjà pas mal, il devrait être possible de le reconnaître aussi. C’est beaucoup mieux que ce que fit la droite, comme de ce qu’elle voudrait faire. Et force est de constater, également, que tout cela a été réalisé sans le Front de Gauche, qui dans le meilleur des cas se contenta de se faire discret. Et qui dans le pis joua le rôle insupportable et tellement futile de la mouche du coche.
Oui, ils furent bien seuls, les socialistes, ces derniers mois, face aux réactionnaires. On aimerait désormais que le Front de Gauche, sur les sujets de société pour le moins, choisisse enfin son camp et ne se retrouve plus jamais à devenir l’allié objectif – et précieux – qu’il s’est finalement révélé être pour eux. Car c’est bel et bien cette défection constante qui vire en définitive à la trahison.
En attendant, face à la droite, face aux réactionnaires, cette après-midi encore, c’est Jean-Marc Ayrault qui s’y colla – et l’UMP comprit qu’elle n’avait pas fait le voyage pour rien :