DSK est un homme. Il a une conscience, une vulnérabilité, une famille, des proches qui l’aiment. Tous ceux-là vivent un drame qui relève de l’intimité. Ce qui s’impose à nous qui ne sommes pas de ce cercle intime est d’abord le respect, et en premier chef le respect de la présomption d’innocence. Commenter, conjecturer, exprimer une opinion à propos de ce drame est déjà d’une profonde indécence.
Et cette femme qui porte ces graves accusations a tout autant droit à notre silence respectueux. Ne pas davantage présumer un complot. Ne pas davantage présumer la culpabilité de l’un que le mensonge de l’autre. Se taire. Attendre que l’enquête se fasse, puis que justice passe.
Et puis couper symboliquement les couilles du premier connard venu qui se croit autoriser à utiliser politiquement une situation et se permet pour ce faire les pires amalgames, évoquant un homme qui se vautre dans le sexe. Expliquer à Bernard Debré qu’il n’est pas criminel d’aimer le sexe et de l’aimer passionnément, démesurément et vouloir s’y vautrer avec délectation et volupté. Que DSK soit de ceux-là ou non ne regarde personne d’autre que lui-même et sa ou ses partenaires, pas plus que ne nous regarde le fait que Bernard Debré ait ou non un problème avec sa sexualité, qu’il en ressente ou non une grande angoisse ou une grande frustration.
Mais la droite – ou une certaine droite – nous a depuis longtemps habitués à ce genre d’amalgames, ces raccourcis puants qui vont insidieusement criminaliser une moralité qu’ils réprouvent. Ainsi vont-ils joyeusement d’homosexualité en pédophilie, d’immigration en délinquance, d’islamisme en terrorisme. Et ainsi Bernard Debré n’a-t-il pas craint d’associer sexualité débridée et viol. On pourrait d’ailleurs lui rappeler que le viol est souvent au contraire le résultat d’une sexualité frustrée. Faut-il rappeler à Bernard Debré que l’adultère pas plus que la sodomie n’est un crime ? Lui confier qu’il peut être délicieux de se vautrer dans le sexe ? Il ne lui suffirait que de se trouver, hommes ou femmes, des partenaires consentants – ce qui en effet n’est pas donné à tout le monde.
Bref, outre vomir les propos de Bernard Debré et de ses congénères, il n’est envisageable que de dire deux choses concernant directement cette affaire. Premièrement, la justice américaine a entièrement raison d’accorder tout le crédit nécessaire aux propos d’une femme qui déclare avoir subi une tentative de viol. Deuxièmement, Dominique Strauss-Kahn est absolument innocent de ce dont il est accusé tant que la justice n’aura pas prononcé un verdict contraire. Pour le reste, se taire.
Ceci étant posé, il s’agit d’en revenir à la politique et ici, sauf retournement de situation dans les heures et jours qui viennent – et tout est possible -, DSK n’est plus en mesure de se présenter à l’élection primaire organisée par le Parti Socialiste pour désigner son candidat à l’élection présidentielle de 2012. La conséquence directe en est qu’il s’agira donc de décider qui de Martine Aubry ou de François Hollande sera ce candidat. Il n’en existe aucun autre aujourd’hui qui serait en capacité de figurer au second tour puis de battre Nicolas Sarkozy et aurait l’envergure d’être président de la République.
Manuel Valls est positionné bien trop à la droite du Parti Socialiste pour espérer ne ramasser autre chose que des miettes.
Arnaud Montebourg a beau fantasmer un parcours à la Obama – et sa démarche est d’ailleurs plutôt très sympathique – , la situation politique, notamment en raison de la très probable candidature de Martine Aubry, lui est désormais bien trop défavorable. Trois mois c’est bien trop peu pour se bâtir notoriété, popularité et crédibilité.
Pierre Moscovici et Gérard Collomb se verront un instant reprendre le flambeau abandonné par DSK, avant de s’apercevoir qu’il est déjà trop tard. Ils se rallieront bien vite à la candidature de Martine Aubry, peut-être à celle de François Hollande si celui-ci continue d’être porté par de bons sondages – et il est assez probable qu’il soit le principal bénéficiaire en terme de popularité du vide créé par cette nouvelle configuration politique « sans DSK ».
Evoquons les cas des Michel Rocard, Laurent Fabius et Lionel Jospin dont certains commentateurs se sont aventurés à faire des recours, et disons simplement que les espoirs déçus de l’avant-veille ne sauraient faire des espoirs pour demain. Leur temps est passé et, aussi douloureux cela soit, ils l’ont désormais bien compris.
Ce qui n’est pas le cas de Ségolène Royal. Elle, refuse de comprendre que c’était hier ou jamais, que les Français n’y reviendront pas. Elle est et demeure celle qui a perdu contre Nicolas Sarkozy. Portée par une vague d’enthousiasme, elle a été balayée par une vague de rejet. L’enthousiasme est largement retombé, demeure le rejet. DSK au tapis, elle ne retirera au mieux que quelques miettes de popularité, cela ne sera pas suffisant et le fossé qui existe entre elle et Martine Aubry et François Hollande n’en apparaîtra que plus béant.
La primaire socialiste se résumera donc très rapidement en un très intéressant duel entre Martine Aubry et François Hollande. Aiguillonnés par les faire-valoir que seront pour eux Arnaud Montebourg et Ségolène Royal, on peut même imaginer que cet affrontement-là se fasse dans un premier temps davantage sur les idées que sur les personnalités. Ce n’est pas tant pis et c’est sans doute le principal effet bénéfique de la disparition accidentelle de DSK du paysage politique.
Martine Aubry ou François Hollande. Que ce soit l’un ou l’autre, c’est surtout une bonne nouvelle pour une gauche dont une bonne partie des divisions se cristallisait autour du cas DSK, une image d’indécrottable social-démocrate collait à sa candidature. Je ne l’ai guère entendu jusqu’ici, mais une des principales victimes politiques de l’accident DSK pourrait bien être Jean-Luc Mélenchon qui en avait fait un punching-ball idéal.