Et si le second tour de la présidentielle de 2012 venait à opposer Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen ? Qu’est-ce que je ferais moi ?
C’est en substance la chaine que lance ce matin sur son blog Yann Savidan qui aime beaucoup les chaines de blog.
Sans lui faire offense, je pense que cette question n’a aucun intérêt. Cela n’a jamais aucun intérêt de jouer à s’imaginer dans la pire des situations et à se faire peur. Quand le pire est survenu, on fait ce qu’on peut, souvent sous le coup du choc et de l’émotion, en proie à l’effroi et à la colère, au désespoir. Ce qu’on fait alors importe peu, le pire est survenu déjà.
Si ton immeuble brûle, toi qui habite au douzième étage, tu restes sur place à espérer l’arrivée des pompiers avant celle des flammes, ou bien tu sautes par la fenêtre ? Non seulement tu n’en sais rien, mais surtout, ce qui devrait te préoccuper pour le moment, en tant que co-habitant de l’immeuble, c’est de faire qu’il n’arrive jamais qu’il brûle. Certes, tu ne peux tout garantir à toi seul contre ce qui menace ton immeuble, mais l’erreur serait de t’imaginer que tu n’y peux rien, que tu serais impuissant et contraint d’assister passivement au cours inévitable des choses, te complaisant simplement à envisager que le pire puisse survenir.
Nicolas Sarkozy ? Marine Le Pen ? Qu’importe si la gauche peut compter sur ses forces !
Disons-le autrement. Le pire n’est pas que Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen soient tous deux qualifiés pour le second tour de l’élection présidentielle de 2012. Le pire serait qu’à partir de mai 2012 Nicolas Sarkozy ou Marine Le Pen soit Président de la République pendant cinq ans. Il importe assez peu au final que ceci se produise au terme d’une élimination de la gauche au premier plutôt qu’au second tour.
A un peu plus d’un an de l’échéance, la seule chose qui compte est de faire en sorte que la gauche puisse compter sur l’ensemble de ses forces de manière à l’emporter. Il n’y a pas d’autre alternative : la victoire de la gauche ou bien celle, tragique pour les Français, d’une des formes de l’extrême-droite.
Car l’avènement de Nicolas Sarkozy à la tête de la droite en France a conduit à cette triste réalité : la droite française pue. Elle pue et conduit une politique puante. Une politique qui favorise les riches, enfonce les pauvres et stigmatise l’Autre – stigmatiser l’Autre étant toujours le meilleur moyen pour rendre responsable de nos difficultés quelqu’un d’autre que celui qui nous gouverne, ce voisin fantasmé qui nous ôte le pain de la bouche, vole les allocations familiales, viole nos femmes et tue nos enfants : il en est capable, puisqu’il n’est pas tout à fait comme nous.
La droite française est nationale et elle pue.
La gauche est seulement très imparfaite.
On peut même mieux dire. La gauche est nécessairement imparfaite car elle porte en elle – ou est censée porter – un idéal, forcément inaccessible. C’est-à-dire qu’elle porte en elle l’imperfection, l’insatisfaction, la déception, la frustration. Forcément.
Alors il ne s’agit pas, certainement pas, de renoncer à l’idéal. Simplement, il nous faut accepter d’en parcourir indéfiniment l’interminable chemin. Accepter de parcourir le chemin et ses insupportables imperfections, voilà ma conviction. Prendre la gauche comme elle est aujourd’hui. Lui botter le cul pour la rendre meilleure, inlassablement, mais l’accepter comme elle est. Parce qu’elle est le chemin qu’il nous faut parcourir.
Alors la question n’est pas de savoir ce que je ferais s’il me fallait en mai 2012 choisir entre Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen, mais de ce que je vais faire pour la victoire de la gauche d’ici là. Ou, a minima, de ce que je ne vais pas faire contre elle – ou contre celui ou celle qui sera son candidat.
Pendant quelques mois encore, le temps est au débat interne, où il s’agit de choisir un projet et un candidat, et donc de botter des culs. Très vite pourtant, il ne s’agira plus que d’être de parfait petits militants, heureux que nous nous soyons choisi le meilleur projet et le meilleur candidat, enthousiastes et naïfs.
Car en politique, la plus grande des naïvetés est de croire qu’on peut jouer le rôle du chevalier blanc, qui ne renonce jamais à clamer haut et fort sa différence et son mécontentement, jusqu’au cœur de la bataille électorale. La droite n’attend que cela. Et souvenez-vous, elle pue. De Marine Le Pen jusqu’à Nicolas Sarkozy, elle pue. Cela justifie amplement qu’on puisse chacun supporter quelques éventuelles petites mauvaises odeurs qui viendraient – et elles viendront – de notre propre camp.
Le temps reviendra ensuite, quand la puanteur aura été évitée, de botter des culs un peu sales.