Nov 302011
 

François Bayrou, Modem : centre mou et droite durePendant que MHPA a ses humeurs – et si elles sont terriblement mauvaises c’est que le constat d’une gauche sans le souffle est tragiquement fondé -, Nicolas détricote la toile de Bayrou et c’est tout à fait intéressant.

Bayrou envisage donc « une modification du droit du travail pour encourager les investisseurs à venir en France » et Nicolas de nous rappeler ce que signifie une modification du droit du travail dans l’esprit d’un Bayrou – d’ailleurs Sarkozy et Fillon ont fait plus que commencer avec les succés économiques et sociaux que l’on connait. Modifier le droit du travail, c’est supprimer le SMIC, augmenter la durée du travail, diminuer les congés payés, supprimer le CDI, augmenter la précarité des salariés. « Un beau programme libéral » conclut avec justesse Nicolas que je m’en vais ci-après outrageusement plagier.

Sur la question des retraites, Bayrou annonce là aussi un très joli programme libéral : « Fin du principe de la retraite par répartition et instauration d’un système individualisé de retraite par points ». Exit donc le principe de la solidarité nationale et inter-générations, les acquis du Conseil National de la Résistance, le modèle social français. Bienvenu au chacun pour soi et la loi des plus forts, c’est-à-dire des plus riches…

En terme de fiscalité, Bayrou évoque l’augmentation de la TVA, l’impôt le plus injuste, qui touche plus fortement les classes sociales les plus défavorisées. Mais n’évoque pas la fiscalité du patrimoine. Pourquoi taxer les plus riches ?

Mais c’est sans doute la conclusion de Nicolas qui est la plus intéressante. Il dit en substance que Bayrou, qui est un homme seul et qui prétend vouloir gouverner avec tous ceux qui avec lui rejetteront le clivage droite-gauche pour rallier un projet qu’il déclare d’intérêt national – mais c’est un programme libéral qui ne sert d’autres intérêts que ceux des classes favorisées -, ne saurait une mesure après l’autre trouver de majorité parlementaire que du côté des bancs de l’UMP, trop heureux d’avoir l’occasion de poursuivre une politique déjà largement mise en oeuvre depuis 10 ans.

Bayrou est un homme de droite, un adepte du libéralisme, qui ne saurait trouver d’alliance qu’à droite. Ce n’est pas nouveau et il demeure particulièrement intéressant aujourd’hui d’observer cet homme qui en 2010 avait tenté de se montrer socialement compatible avec la gauche – comme s’il était possible d’être socialement de gauche en étant économiquement de droite – en participant à une table ronde organisée par La fondation Abbé Pierre pour débattre de l’urgence du logement social.

On y voyait un François Bayrou tentant de se fondre dans le décor, répétant à l’envi qu’il se situait « hors pensée unique » et proposant tout à fait naïvement de ne pas tenir compte des normes de salubrité, à titre exceptionnel pour les sans-abris, au prétexte qu’« il vaut mieux habiter dans un taudis insalubre que dormir dans la rue et le froid ». Tout à fait naïvement en effet, ne comprenant pas lui-même en quoi sa proposition inspirée par le « bon sens » pouvait susciter les sifflets, n’imaginant pas un instant que l’homme libéral qui n’a jamais cessé de sommeiller en lui, lui soufflait là une énormité, ne comprenant pas qu’être de gauche justement c’est se refuser à des solutions simplistes réclamant par souci d' »efficacité » d’abaisser le seuil de l’indignité humaine, et imaginer au contraire des solutions à la fois dignes et durables, donc réellement efficaces, par exemple en la matière de financer la construction de logements sociaux en nombre suffisant et avec des normes satisfaisant a minima l’exigence de dignité.

En bon libéral, le très charitable François Bayrou proposait là une solution parfaitement libérale. Trop de chômage ? Facilitons le licenciement. Un trou dans la Sécurité Sociale ? Dé-remboursons les médicaments. Trop d’insécurité ? Restreignons les libertés individuelles. Trop de sans-abris ? Entassons-les dans des taudis…

Sa candeur libérale est tout simplement délicieuse, et particulièrement éclairante. Cette courte séquence vaut vraiment d’être visionnée :

Simplisme des plus crasseux  que ne renierait pas un Sarkozy et qui vaut immédiatement au petit François, aussi étonné que benêt, les sifflets unanimes de la salle, qui semble elle savoir de quoi il est question : d’une dignité humaine avec laquelle on ne transige pas. Et François Bayrou, qui est un homme de droite, de ne sembler pas comprendre qu’on ne troque pas une vie humaine contre sa dignité, qu’aucune indignité, aucune atteinte à la dignité humaine, ne saurait être justifiée par l’urgence qu’il y aurait à remédier à une autre. On ne transige pas avec la dignité d’un homme. Jamais.

En sus d’une leçon de gauche, Monsieur Bayrou aura ainsi appris qu’à vouloir à toute force sortir de la pensée unique, on entre de plain-pied dans la pensée inique.