Jusqu’au débat de l’entre deux tours, ce mercredi soir, tout s’était bien passé. De l’avis unanime, la primaire était un succès incontestable. La confrontation des idées l’avait emporté sur les querelles de personnes, l’unité prévalait sur les divisions, les Français étaient intéressés par les débats, on découvrait que les socialistes avaient un projet et des compétences, près de 3 millions d’électeurs s’étaient rendus aux urnes.
Et puis, Martine Aubry et François Hollande s’étaient retrouvés en finale. On s’attendait alors, bien entendu, à ce que l’affrontement devienne un peu plus rude à l’occasion de ce qui devenait un face à face. Pourtant, les fleurets demeuraient mouchetés et la confrontation demeurait au niveau des propositions. D’ailleurs, l’ensemble des battus du second tour s’étaient comportés avec un bel esprit de responsabilité.
C’était plus difficile pour Arnaud Montebourg qui voyant sa différence rencontrer un succés dans l’opinion, sanctionnée par un score plus qu’honorable, se voyait simultanément éliminé de la course à la présidentielle. Le courrier qu’il adressa aux deux finalistes lui permettait de sortir par le haut, qui contribua également à maintenir les débats au niveaux des idées. Il dira aujourd’hui quel candidat il soutient – et ce sera François Hollande.
Plus difficile encore était la situation de Ségolène Royal, dont le score de 7% ressemblait à une terrible gifle pour elle comme pour ses partisans. Pourtant, elle aussi, surmontant déception et amertume, sut faire preuve d’un remarquable esprit de responsabilité. Elle appela à voter pour François Hollande afin de contribuer à faire de lui un candidat incontestable, porté par la dynamique des primaires, dans la perspective d’un affrontement avec Nicolas Sarkozy.
Et puis survint le débat de l’entre deux tours. Et là encore tout se passa bien. Martine Aubry avait visiblement l’intention d’en découdre, mais le fait est que les deux candidats sont politiquement très proches et portent tout deux un projet en tout point identique – à deux exceptions près. La posture « gauche molle contre gauche solide » se révéla pour ce qu’elle était, une posture. Les slogans n’y suffisaient pas et on comprit de ce débat que ce qui du point de vue du projet différencie véritablement Martine Aubry et François Hollande sont deux propositions de ce dernier : le contrat de génération et la création de 12 000 postes par an dans l’éducation nationale.
Martine Aubry affirme que le contrat de génération, « ça a déjà été essayé et ça ne marchera pas ». Peut-être. Je ne sais pas. De toute façon ça ne coûte pas un centime, pourquoi ne pas essayer encore ?
Martine Aubry conteste en outre la faisabilité budgétaire de la création de 60 000 postes en cinq ans dans l’Education Nationale, ce qui permet surtout de comprendre lequel des deux candidats, au-delà des slogans et des postures, est ambitieux et volontaire face à l’autre qui se laisserait contraindre par l’orthodoxie budgétaire que voudrait imposer aux Etats la finance internationale. Être de gauche c’est avoir compris qu’investir sur l’avenir, donc sur la jeunesse et l’éducation, ne peut en aucun cas être une dépense indue : c’est non seulement une dépense productive, mais une dépense essentielle – pour peu que rétablir un peu l’égalité des chances soit un objectif.
Pis, Martine Aubry sur ce sujet crucial de l’avenir de l’Education Nationale se prit lamentablement les pieds dans le tapis en cherchant à piéger François Hollande sur la question du redoublement. Mais passons…
Il demeura qu’au cours de ce débat, Martine Aubry s’abstint encore de chercher à marquer des points sur son adversaire par des coups frappés au-dessous du niveau de la ceinture. On crut pouvoir pousser un soupir de soulagement. Jusqu’au bout cette primaire aurait été digne, une réussite à mettre au crédit de tous les socialistes, la promesse de placer notre candidat dans la meilleure position possible dans la perspective de l’élection présidentielle et de la nécessaire victoire contre Nicolas Sarkozy.
Malheureusement, Martine Aubry qui se sait en position peu favorable à l’abord de ce second tour, ne sut pas en rester là. La preuve ayant été faite que la différence ne pouvait se faire sur le projet, sauf en sa défaveur, c’est François Hollande qui se trouvait porté par la dynamique de ses 40% obtenus au premier tour, sa stature de rassembleur et sa capacité à emporter la victoire sur Nicolas Sarkozy.
Martine Aubry a désormais décidé de jouer son va-tout, de démarrer une campagne-poubelle, quitte à jouer avec le feu de la division et mettre en avant des arguments dont l’UMP se fera un grand plaisir de reprendre à son compte. Quitte à donner raison à toutes les mauvaises langues qui s’étaient plu à pronostiquer que la primaire se transformerait inéluctablement en machine à perdre, François Hollande serait inconstant et flou ; François Hollande serait le représentant d’une gauche molle ; François Hollande serait l’homme du système…
Voici donc ce que Martine Aubry rabâche depuis deux jours à longueur d’interventions, sans plus même se préoccuper de mettre en avant le projet qu’elle défend – mais ce n’est rien d’autre que le projet des socialistes dont François Hollande est également le promoteur. Martine Aubry, à l’approche d’une défaite annoncée, perd ses nerfs et en devient irresponsable. Elle devient la première des six candidats à placer son ambition personnelle au-dessus de l’intérêt de toute la gauche et des Français. La première à faire le jeu de Nicolas Sarkozy. C’est non seulement dommage mais aussi lamentable.
C’est non seulement lamentable mais aussi un argument supplémentaire pour voter François Hollande, contribuer à ce que l’ampleur de sa victoire dimanche prochain s’en vienne effacer la très mauvaise impression de ces tout derniers jours de campagne. Il est plus que jamais essentiel que la victoire de François Hollande, parce qu’incontestable, lui donne tout l’élan nécessaire pour la victoire de la gauche en 2012.
Car je le dis depuis de longs mois maintenant, le plus grand danger de cette primaire est qu’elle se termine dans un mouchoir de poche où d’aucuns sauraient y remuer la morve de l’illégitimité supposée de notre candidat. Quel qu’il soit.
Car je ne suis pas de ceux qui se risquent à prétendre que la victoire de François Hollande serait assurée. En cas de résultat serré, l’un ou l’autre serait susceptible de devenir ce candidat affaibli dans sa légitimité, en position de faiblesse au moment d’affronter Nicolas Sarkozy. La seule chose qui est acquise est que seul François Hollande est en position d’obtenir une victoire suffisamment large pour sortir de la primaire en position de force.
Il faut alors avoir bien à l’esprit que 2,5 millions d’électeurs font que 25 000 voix représentent 1%. Chaque voix compte. Votez !
Edit : C’est fait. François Hollande a rallié les candidatures de Jean-Michel Baylet, de Manuel Valls, de Ségolène Royal et finalement celle de Arnaud Montebourg – « Je voterai donc pour François Hollande, arrivé en tête du premier tour, à mes yeux meilleur rassembleur. Il a su dans sa lettre jeter un pont entre nos deux rives. » Martine Aubry n’est quant à elle parvenue qu’à rassembler elle-même – et peut-être DSK…