Mar 312014
 

colereCe billet pourrait tenir en une phrase. Dans un pays qui penche fortement à droite, à force de réclamer systématiquement toujours plus de gauche, on se retrouve avec toujours plus de droite. A chaque fois. Transformant chaque petite victoire de la gauche en grande victoire de la droite.

Je vais tout de même m’expliquer. On ne fait pas de politique dans l’absolu, juste comme ça, pour se faire plaisir, dans la pureté immaculée de sa propre Vérité. La politique c’est d’abord la prise en compte des rapports de force. Comprendre par exemple que Hollande a été élu aussi à gauche que possible dans un pays de droite. Un peu plus à gauche, et c’est Sarkozy – même Sarkozy et la détestation qu’il a suscitée et l’état de ruines dans lequel il a laissé la France – qui aurait été réélu. Ainsi, je suis à peu près certain – et je le regrette – que Martine Aubry – qui n’est tout de même pas la pire des gauchistes – n’aurait pas été élue.

Non seulement le pays a un fort tropisme à droite, mais la gauche elle-même penche. Le PS reste et demeure, encore aujourd’hui où il est plus bas que jamais, la principale force électorale de la gauche. Pis encore – si on veut le voir ainsi -, au sein du PS, ce sont les sociaux-démocrates qui sont majoritaires. Très largement. Et c’est pourquoi, dans ces conditions, la gauche ne pouvait espérer autre chose que d’avoir ce président-là sur cette ligne politique là.

Croyez-moi, je suis le premier à le regretter. Mais ce n’est pas à François Hollande ou au PS que je vais m’en prendre. Ils sont là où les électeurs sont disposés à les tolérer.  Or l’alternative, nous le savons,c’est la droite. 

Et j’ai la faiblesse de penser que ce n’est pas la même chose, qu’entre la droite et cette gauche-là il y a des différences importantes, des différences qui tout de même changent un peu la donne. Je ne vais pas ici faire la liste de ce que l’on a gagné à l’élection de François Hollande et qui n’est pas tout à fait accessoire. Dire seulement que remettre des professeurs dans le système éducatif plutôt que de continuer à le massacrer, ça fait tout de même une sacrée différence. A terme.

Dire aussi, quand même, que si Sarkozy dans les deux dernières années de son mandat et Hollande dans les deux premières du sien ont chacun augmenté la fiscalité de 30 milliards d’euros, toute la différence est dans la répartition de cette pression fiscale supplémentaire. On notera par exemple que d’un côté l’allocation de rentrée scolaire a été augmentée de 25% et que de l’autre le plafond du quotient familial a été abaissé pour les ménages les plus aisés. Ou que l’abattement sur les successions à été ramené à 100 000 euros par enfant. Ou que le droit d’entrée dans le dispositif de l’aide médicale d’Etat a été supprimé. Ou qu’une tranche fiscale supplémentaire à 45% a été créé pour les plus hauts revenus. Entre autres petites choses.

Et puis la réforme pénale, l’ouverture du mariage aux homosexuels, l’égalité hommes-femmes, la non intervention de l’exécutif dans le judiciaire, la fin du cumul des mandats, ça fait tout de même aussi un peu la différence.

Sans compter que la gauche est meilleure gestionnaire que la droite. Que les déficits se creusent moins vite qu’il y a deux ans. Que le chômage augmente moins vite qu’il y a deux ans. Que la situation de l’économie française est moins désastreuse qu’il y a deux ans. Que la droite en dix ans a mis l’économie française sur les genoux et que ça prendra du temps pour la relever – et forcément trop de temps pour les millions qui sont dans la misère ou « seulement » en grande difficulté.

Je suis bien d’accord que ça n’est pas assez, que cette politique n’est pas assez ambitieuse, que l’on peut rêver d’une gauche qui change davantage la donne, davantage en rupture avec un libéralisme qui n’est rien d’autre que la loi des plus forts, c’est-à-dire des plus riches et qui le deviennent toujours plus. Mais je suis bien conscient aussi que les Français ne sont pas d’accord avec moi, majoritairement, et que la gauche de Hollande est le plus de gauche qu’ils ne sont disposés à en avaler. Et il en va de la démocratie que c’est eux qui ont politiquement raison.

Dès lors, si la gauche elle-même s’applique à dévorer tout cru le président qu’elle a contribué à élire, dès le premier jour et de manière continue pendant deux ans, c’est mécaniquement la droite qui revient plus puissante. Et qui reviendra anéantir le peu que nous étions parvenu à obtenir. Et qui tout de même faisait la différence. C’est un fait, dans un pays qui penche fortement à droite, à force de réclamer systématiquement toujours plus de gauche, on se retrouve avec toujours plus de droite. A chaque fois.

Et le fait est également que même avec cette grosse claque que prend aujourd’hui le PS, il est encore majoritaire au sein de l’électorat de gauche. Je pense qu’au Parti Communiste, on est bien conscient de cela, les communistes sont ancrés dans le réel de la politique, ils en ont une longue expérience. C’est au Parti de Gauche qu’on est dans le déni de réalité. A tel point qu’ils en sont désormais à tenter de s’approprier les voix – de qui, je vous le donne en mille – des abstentionnistes… Ce serait risible si ce n’était désespérant. 

Trop conne, cette gauche incapable d’accepter la réalité, de la prendre telle qu’elle est et de jouer de patience et de convictions. Trop conne, car incapable de comprendre qu’il s’agirait de tolérer une gauche insuffisante aujourd’hui pour en obtenir une plus satisfaisante demain. Ils sont tellement fiers de leurs convictions tous ces hérauts de la vraie gauche qu’ils en oublient qu’il s’agit moins de leurs convictions que de prendre le temps d’en convaincre les autres.

Au résultat, une fois de plus donc, c’est la droite qui revient. Peu leur importe, ils ont leur pureté pour eux. Ils ne se sont pas compromis. 

Ils ont seulement oublié une chose essentielle, que c’est cela la politique, accepter le compromis et avancer avec cela, d’un compromis à un autre, patiemment. Ça fait trente ans qu’ils sont impatients, qu’ils disent et clament qu’ils ne veulent plus attendre. Trente ans qu’ils n’ont rien obtenu sinon cette droite qui n’a de cesse de revenir. Trente ans de perdu pour des classes populaires qu’en vérité ils ont abandonné. Trente ans que patiente l’urgence sociale et que crève notre espérance.

Mais qu’importe, ils ont leur pureté pour eux. Ils ne se sont pas compromis. Regardez-les, comme ils sont figés dans leurs convictions, satisfaits d’eux-même, trouvant admirable leur colère, bruyante, grimaçante, et vaine.

Car que croyez-vous qu’il adviendra, cette semaine. Il y aura un remaniement, peut-être bien un changement de premier ministre. Dans une France qui a de nouveau basculé à droite, le nouveau premier ministre ne sera pas Jean-Luc Mélenchon. Bruyant, grimaçant et inutile. Disais-je.

Dans une France qui a de nouveau basculé à droite, sachant que la politique est une histoire de prise en compte des réalités politiques et de l’état des forces qui se sont démocratiquement exprimées, je vous laisse deviner quel premier ministre François Hollande est désormais politiquement contraint de désigner. Ne râlez pas, vous  l’avez vous-même mis en situation.