Ça c’est fait.
Près de 3 millions d’électeurs ont donné la légitimité nécessaire à François Hollande pour conduire la gauche à la victoire en 2012.
Jean-Michel Baylet et Manuel Valls, Ségolène Royal et Arnaud Montebourg, et enfin Martine Aubry sont déjà rassemblés autour de notre candidat, disposés à jeter toutes leurs forces dans la bataille pour porter non seulement un homme de gauche à la Présidence de la République, mais également un projet et des idées. François Hollande ne pouvait espérer se trouver en meilleure position pour aborder la bataille de la présidentielle. Le voici en position de force face à une droite à bout de souffle et un président sortant moribond, affaibli par un bilan désastreux tant sur le plan économique et sociale que sur celui de la morale publique.
Cela ne suffira pas. Nicolas Sarkozy sera un candidat redoutable, au moins aussi redoutable qu’il aura été un Président incapable. La crise sera son bouclier, qui lui servira à la fois de mot d’excuse pour ses échecs dans le domaine économique et social, et d’argument pour se faire réélire parce qu’il serait le seul en mesure de tenir la barre dans la tempête.
Cela ne suffira pas. Parce que dans ce contexte de crise et de désespérance, l’extrême-droite sera à l’affût, disposée à jouer de la pire démagogie, à user des peurs et des colères des Français pour raffler la mise.
Il faudra à la gauche être capable de se faire entendre, de parler d’une voix suffisamment forte pour couvrir les éructations de Nicolas Sarkozy et les vagissements de Marine Lepen. Il faudra à la gauche savoir se rassembler au-delà de ses différences sur le fond sur lesquelles les Français auront à trancher lors du premier tour. Il ne suffira que de se respecter, éviter les faux procès et les outrances. Eviter le petit jeu façon «la vraie Gauche c’est moi ».
Ce devrait être assez simple. Il y a en réalité trois gauches :
- La gauche révolutionnaire, qui considère que le système n’est pas réformable, qu’il faut le renverser, en finir avec le capitalisme et la propriété privée des moyens de production, instaurer la dictature du prolétariat – pour la faire courte…
- La gauche socialiste, qui privilégie la réforme à la révolution, considère que l’émancipation de l’homme prime sur le développement économique, que la croissance économique est le levier de cette émancipation, pour peu que les fruits de la croissance soient passées au tamis de la redistribution fiscale, la justice sociale et des solidarités ;
- La gauche écologiste, qui récuse le dogme de la croissance et plaide pour une régulation écologique de l’économie, c’est-à-dire une régulation qui vise à internaliser dans la machine économique le coût des externalités – dégâts sociaux, dégâts sur l’environnement…
La gauche révolutionnaire, c’est le NPA et Lutte Ouvrière. Deux mouvements politiques qui n’ont pas vocation à gouverner – parce qu’ils s’y refusent. Ils obtiendront à la présidentielle leur habituel 5% de premier tour, puis ils s’en retourneront à leurs préparatifs minutieux du Grand Soir. Au second tour, leurs électeurs savent généralement assez bien vers quel candidat se reporter. Passons…
En 2012, la gauche écologiste sera représentée par Eva Joly. Je n’ai toujours pas compris les raisons de ce choix. Je veux dire, Eva Joly est incomparablement préférable à un Nicolas Hulot qui n’a aucune idée de ce qu’est l’écologie politique, qui a une conception purement environnementaliste de l’écologie. Certes, mais pourquoi Cécile Dufflot n’y est pas allée elle-même ? Il me semblait à moi évident que s’il fallait faire une primaire à EELV, celle-ci aurait dû mettre face à face Cécile Dufflot et Daniel Cohn-Bendit, que cela soit un véritable choix politique. A moins que, cohérents avec eux-mêmes et conscients de l’état actuel des rapports de force à gauche, nos amis écolos se soient désintéressés de la présidentielle.
Le fait est que socialistes et écologistes ne devraient pas avoir trop de mal à s’entendre au soir du premier tour pour battre la droite et l’extrême-droite au second, battre Sarkozy puis gouverner ensemble sur la base d’un accord programmatique qui aura permis de mettre à plat les divergences de leurs projets respectifs et de les dépasser, voire de les faire converger – ce que permet pour la première fois le projet socialiste et ce n’est pas la moindre de ses qualités.
Quant à la gauche socialiste, il s’agit bien entendu de François Hollande, mais il s’agit également de Jean-Luc Mélenchon, ne lui en déplaise. Ce n’est pas une surprise, Jean-Luc Mélenchon a fait tout son parcours politique à l’intérieur du Parti Socialiste, n’a souhaité s’en émanciper qu’il y a tout juste trois ans, après un congrès au cours duquel une majorité s’est créée par le rapprochement entre les motions portées par Martine Aubry et Benoit Hamon, cette dernière motion ayant été signée et portée par un certain Jean-Luc Mélenchon…
Un Jean-Luc Mélenchon qui a d’ailleurs répété à maintes reprises ces dernières semaines combien les idées portées par Arnaud Montebourg étaient en phase avec son propre projet politique, ce même Arnaud Montebourg dont le coeur du projet était celui des socialistes, c’est-à-dire le même que celui de François Hollande, pour lequel d’ailleurs il a voté lors du second tour de la primaire. Jean-Luc Mélenchon aura toutes les peines du monde à nous faire croire que sa candidature à la présidentielle est une candidature sur le fond radicalement différente de celle de François Hollande. Le risque est alors qu’il en vienne à créer artificiellement cette différence, sur la forme, afin de justifier la pertinence de sa propre candidature.
Ce matin déjà, Jean-Luc Mélenchon a convié François Hollande à un débat public. Mais, Monsieur Mélenchon, que n’avez-vous donc accepté de participer à la primaire citoyenne ainsi que vous y aviez été convié ? Que n’aviez-vous alors accepté de profiter de cette tribune, trois débats, peut-être quatre, devant chaque fois plusieurs millions de téléspectateurs qui auraient sûrement beaucoup apprécié d’entendre votre différence ? Vous avez vous-même refusé le débat que vous réclamez aujourd’hui !
Il ne s’agit plus désormais de se différencier à gauche et en son sein, Monsieur Mélenchon. Il s’agit d’affronter la droite et l’extrême-droite. Il s’agit de placer le candidat de la gauche, François Hollande, en tête au soir du premier tour. Il s’agit de battre Nicolas Sarkozy au second. En êtes-vous ? Ou bien préférez-vous tenter le diable en jouant de la division à gauche ?
Une candidature communiste à l’élection présidentielle aurait eu un sens, c’est évident. Mais qu’avons-nous à faire d’un deuxième candidat socialiste ?
En 2012, pour l’emporter sur la droite, l’extrême-droite et Nicolas Sarkozy, nous aurons besoin d’une gauche tout à fait rassemblée. Dans cette perspective, les points forts sont nombreux. Il demeure néanmoins un point faible et il s’appelle Jean-Luc Mélenchon. J’ose espérer que ce dernier saura se montrer responsable et, puisqu’il est candidat, réserver ses attaques pour la droite et ne pas céder à la tentation de chercher l’affrontement direct avec François Hollande. La période de la primaire est désormais derrière nous. A Jean-Luc Mélenchon d’assumer aujourd’hui son refus hier d’y participer.