Hier soir, c’était le troisième débat de la campagne de l’élection primaire et, une fois encore, le grand vainqueur en est… la primaire elle-même. Et il faut en féliciter d’abord nos six candidats qui surent s’affronter dans le respect et le souci de préserver l’essentiel, l’unité autour de ce qui rassemble, un avenir qu’il ne s’agissait pas d’insulter. Bravo !
S’il fallait dresser le podium du jeu collectif, il ne fait aucun doute que monterait sur la première marche Jean-Michel Baylet, seul non socialiste de la bande qui prit pourtant chaque fois soin de souligner à maintes reprises tout l’intérêt qu’il trouvait à débattre ainsi et combien ces primaires étaient porteuses d’espoir pour la gauche en 2012. Sur la deuxième marche monterait Martine Aubry qui elle aussi, souvent, a rappelé qu’au-delà des quelques divergences, il y avait le socle commun du projet socialiste et une volonté partagée d’un changement salutaire pour les Français. Enfin, François Hollande, dont la manière subtile avec laquelle il a pris soin de faire la synthèse de ce qu’avaient proposé ces petits camarades pour apporter ses propres réponses a également beaucoup contribué à donner le sentiment de l’unité et de la responsabilité. Moins en pointe sur ce sujet, les trois autres n’ont néanmoins pas non plus démérité, ne serait-ce parce qu’ils n’ont pas ou rarement cédé à la tentation de l’attaque frontale.
Hier soir, en particulier, j’ai assisté à un débat particulièrement intéressant où les débatteurs étaient globalement tous très bons. Mais puisque l’exercice vise à départager les candidats, je vous livre ici et brièvement une lecture un poil plus détaillée :
- Jean-Michel Baylet a été excellent. Il est parvenu à démontrer en quoi les radicaux de gauche sont profondément de gauche, c’est-à-dire partagent des valeurs de solidarité dans une République profondément laïque, tout en ayant une identité politique propre. Notons à ce titre qu’il est le seul a pouvoir se permettre le courage politique d’afficher une volonté de remise en cause de la suppression de la carte scolaire – Arnaud Montebourg lui-même ne s’y risque pas, Jean-Luc Mélenchon non plus d’ailleurs… ;
- Manuel Valls a lui aussi été plutôt très à son avantage, démontrant lui aussi en quoi ses valeurs étaient de gauche. Comme lui-même l’a affirmé tous à gauche partagent des objectifs de justice sociale, simplement son chemin à lui est particulier qui a pour nom social-libéralisme. je reste pour ma part convaincu que c’est là faire fausse-route, que la conception libérale de l’économie interdit de fait de parvenir à l’idéal social, parce que libéralisme et solidarités sont en guerre, ne peuvent être compatibles ;
- François Hollande a été égal à lui-même, bon orateur, maître des dossiers, soucieux de préserver l’unité, pragmatique et sans ambiguïté de gauche. Ce n’est pas tant qu’il se place au-dessus de la mêlée, c’est qu’il est au-dessus, d’une toute autre stature que ses adversaires. Il est en place avec son projet, ses idées, sa conception de la France, sa conscience des problèmes des Français et les solutions qu’il leur propose, pendant que les autres en sont encore à se positionner par rapport à lui. C’est exactement pour cette raison qu’il sera désigné candidat de la gauche par les Français ;
- Martine Aubry était hier soir particulièrement convaincante dans son volontarisme politique, son expression en était même plus fluide que d’habitude. Lorsque le débat est venu sur le thème des « banlieues », elle a été excellente. En revanche, sur l’école, elle s’est tout simplement plantée en cherchant à piéger François Hollande sur la question du financement, plantée d’abord parce que François Hollande n’est pas tombé dans le piège, plantée surtout parce que ce soudain souci pointilleux du financement – « ça va coûter cher », a-t-elle répété plusieurs fois – vient en contradiction avec ce volontarisme qu’elle affiche par ailleurs. Tous son message s’en trouve brouillé et c’est dommage. Elle aura décidément raté sa campagne ;
- Ségolène Royal, bien que particulièrement crispée, ou peut-être fatiguée, a été globalement meilleure que lors des deux précédents débats. Pour faire court j’ai été très intéressé d’apprendre qu’elle ne soutenait pas la proposition de François Hollande de créer 60 000 postes dans l’éducation nationale, revenant aussi sur le massacre opéré par la droite sarkozyste depuis cinq ans – et il faut ne pas mettre les pieds dans les écoles et les collèges des quartiers difficiles pour ne pas se rendre compte le mal qu’a produit cette politique de suppression massive des postes. Et puis, j’ai noté toujours avec le même effarement qu’elle continue de parler de sa défaite aux dernières présidentielles comme de « La belle histoire de 2007 » – sans commentaire…
- Enfin, Arnaud Montebourg… Je n’ai pas compris… Etait-ce une option stratégique, le choix de la solennité un peu surjouée, affecter un ton de gravité extrême face à la situation de crise que nous connaissons ? Ou bien était-ce simplement qu’il n’était pas en forme, abattu, triste ? Ce fut en tout cas sa moins bonne prestation et il est heureux, pour lui et ses partisans, que cela n’ait pas été la seule, qu’il ait eu avant cela l’occasion d’exister dans cette campagne et de s’y révéler au grand public. Et puis lui en tout cas n’a pas fait mine de donner dans l’austérité budgétaire lorsqu’il s’agit du service public de l’enseignement et de l’éducation nationale. Ouf !