Forêts : Wajdi Mouawad
Un spectacle vivant !
(deux morts et un blessé grave)
Il y a eu d’abord, au Stade de France, le Ben Hur de Robert Hossein, où l’on apprend principalement que le Christ jouait au football dans le désert d’Egypte et avait des pouvoirs de super-héros… : A EVITER ABSOLUMENT !
Il y a eu ensuite, à la Comédie Française, un Lassalle qui tire ce qu’il peut d’Il Campiello, une pièce de Goldoni à mon sens sans beaucoup d’intérêt (où l’on démontre avec tout de même un brin de condescendance que les pauvres sont de grands enfants) : SI VRAIMENT VOUS N’AVEZ RIEN D’AUTRE A FAIRE…
Il y a aussi Quartett, à l’Odéon, sur une mise en scène de Robert Wilson et avec Isabelle Huppert et Ariel Garcia Valdès. C’était prometteur… Et si en effet Robert Wilson possède indubitablement le sens de la mise en beauté de l’espace scénique, si en effet Ariel Garcia Valdès est un comédien magnifique, et si en effet Isabelle Huppert, grande comédienne elle aussi, en fait toujours trop comme à son habitude – fâcheuse façon de jouer avec cet air de dire : « regardez ce que je sais faire et comme c’est compliqué » -, nous assistons au final à un spectacle creux qui laisse tout loisir d’admirer le fabuleux plafond du théâtre de l’Odéon enfin rénové : S’ABSTENIR AVEC FORCE.
Alors, courrez donc plutôt au Théâtre de Malakoff. S’y joue jusqu’au 4 novembre, Forêts, un spectacle écrit et mis en scène par Wajdi Mouawad, et joué avec force et bonheur par une troupe de comédiens tous excellents.
Difficile de faire le synopsis de la pièce tant ce à quoi l’on assiste est foisonnant. Imaginez cependant le long retour sur ses origines d’une adolescente québécoise qui cherche dans son histoire familiale, sur sept génération de femmes et de mères, une explication à son mal-être ; une longue et éprouvante traversée d’un siècle et demi d’Histoire, d’une guerre à l’autre, d’une atrocité à l’autre, d’une histoire d’amour à l’autre, de vie donnée en vie reçue sur un chemin jalonné par la folie et la mort.
Le trop n’est pas évité, et l’on pourrait dire que le spectacle qui nous est donné à voir est trop violent, trop hystérique, trop complexe et trop long, que la part de tragédie y est trop importante, que les rebondissements y sont trop nombreux, que l’on frise trop souvent le rocambolesque, que la mise en scène fait la part trop belle aux effets de style, que tout est trop dit et trop montré… si, de tout ce trop, l’on ne ressortait secoué, ébouriffé et finalement enthousiaste. Imaginez donc que soit condensée en un seul spectacle toute la tragédie des Atrides, que dans la même pièce Atrée contraigne son frère, Thyeste, à manger ses douze enfants, qu’Agamemnon, fils d’Atrée, sacrifie aux Dieux sa fille Iphigénie, qu’Egisthe, treizième enfant de Thyeste, séduit Clytemnestre, femme d’Agamemnon, puis qu’ensemble ils assassinent ce dernier à son retour de Troie, puis qu’enfin, pousser par sa soeur Electre, Oreste, fils d’Agamemnon et de Clytemnestre, tue sa mère pour venger la mort de son père…
Oui, cela pourrait être trop si le tout n’était servi par une mise en scène inventive et tendue, où rien n’est gratuit, où tout fait sens, et des comédiens tous parfaits, chacun au service des autres, du texte et du spectacle donné. Oui, il y faudrait surtout un grand metteur en scène… et c’est justement cela qu’est – entre autres choses – Monsieur Wajdi Mouawad (qui nous avait déjà enchanté il y a quelques années en nous présentant un Les Trois Soeurs aussi moderne que magistral). Forêts : ABSOLUMENT IMMANQUABLE !!!