Fév 122008
 

Le pélican était un vampire

Le Pélican, Strindberg, Gian Manuel RauLe pélican, paraît-il, à la capacité de nourrir ses petits avec son propre sang, au dépens de sa propre vie. C’est ce que prétend la mère, tandis qu’elle affame ses enfants et les contraints à vivre dans le froid d’une maison qu’elle s’évertue à ne pas chauffer.

Une mère cynique et brutale qui semble incapable d’amour, deux enfants qu’elle a élevés dans le mensonge, une famille qui se déchire froidement, presque méthodiquement, incapables qu’ils sont de s’éloigner les uns des autres, le fils et la fille proprement vampirisés par leur mère… On sait que l’univers de Strindberg est noir. Gian Manuel Rau, jeune metteur en scène suisse, ne tente rien ici qui puisse apporter un peu de lumière ou de légèreté.

C’est donc dans un décor triste à mourir, l’intérieur pauvre et sans charme d’un petit appartement, et sous une lumière blanche et crue, que les protagonistes de ce drame familial se crachent mutuellement leur ressentiment et leur haine à la figure, et vomissent leur désespoir. Les comédiens n’ont pas la partie facile tant il leur est demandé de peindre noir sur noir, de dire tout dans un détachement cruel, presque insensible à ce qui arrive. Ils s’en sortent mieux que bien : ils sont bons, très bons, et c’est fascinés, pétrifiés, qu’on les suit dans une lente et glaçante descente aux enfers.

Mention spéciale, en outre, à Dominique Reymond qui tient le rôle de cette mère parfaitement indigne et sans pudeur, capable d’alterner tous les registres, de la séduction toute en minauderie au mépris le plus hideux, de la froideur calculatrice à l’obsession maladive, de la soumission à la manipulation, au gré de ses mensonges et de son égoïsme. Voilà qui place la cerise sur le tout et produit au final du théâtre dont on a envie de redemander.

 

« Le Pélican » : Strindberg / Gian Manuel Rau