Orgie : même pas mal !
Marcel Bozonnet met en scène Orgie de Pier Paolo Pasolini, au Théâtre du Vieux-Colombier.
L’Homme et la Femme forment un couple. Ils s’aiment, ils font l’amour. Leur sexualité repose sur la rencontre de leurs désirs intimes, de leurs fantasmes. Conscients que les mots ne peuvent dire la vie, l’amour ou la passion, ne peuvent dire leur réalité, ce sont leurs corps qui se parlent, la chair qui s’exprime, qui les expriment et les font sortir d’eux-mêmes, libres enfin. Rien donc que de très commun, si n’était que leur rencontre charnelle se situe dans la sphère domination-soumission, la relation sado-masochiste. Mais peut-être pas. Peut-être leur excitation vient-elle surtout de la transgression morale, et leur plaisir du sentiment de liberté qu’elle procure. Car on était alors à la fin des années soixante, en Italie, tout juste une génération après le fascisme, quand bien des carcans moraux avaient à être abattus et étaient en train de l’être, par des gens comme Pasolini, parmi d’autres.
On en est plus là. D’autres carcans ont été érigés sans doute, mais pas les mêmes. Et ce qui fut subversif – et donc socialement utile – ne l’est plus aujourd’hui, n’est plus qu’une vaine provocation dénuée de sens, comme un adolescent qui montrerait son cul sur un plateau de télévision, l’humour en moins. Car il est généralement admis aujourd’hui que la sphère privée de la sexualité appartient aux adultes consentants, où chacun est libre d’y vivre ses fantasmes selon son bon plaisir. Alors on s’ennuie beaucoup au cours des deux parties de la pièce à regarder ce couple prendre finalement peu de plaisir à leurs jeux un peu trop tristes, tant ils y mettent peu d’allant – l’Homme surtout, la Femme semblant en jouir davantage. D’ailleurs elle va jusqu’où l’Homme n’a pas su, ou pu l’emmener : elle meurt et entraîne avec elle, dans la mort, leurs deux petits garçons.
Seul, l’Homme est alors en quête de ce qui ne saurait exister encore, puisqu’un joueur manque au jeu. Et le jeu devient pervers. La Fille entre en scène, prête à se donner à lui, mais sans douleur. Pédophilie et viol, mais ce n’est pas non plus de la subversion, sauf à considérer que ces interdits-là seraient également liés à des codes moraux qu’il serait humainement envisageable de transgresser. La provocation devient alors vulgaire, en plus d’être ennuyeuse. On ne cherche pas le sens, on a compris qu’il n’y en avait pas. On a juste envie de dire à Monsieur Bozonnet qu’il ne suffit pas d’oser beaucoup pour être subversif un peu, et qu’il y a même un certain snobisme à vouloir l’être à la Comédie Française – comme péter dans de la soie…
Je n’oublie pas cependant de préciser que, dans le rôle de la Femme, Cécile Brune est tout à fait remarquable de subtilité.
Mon conseil : si vous n’avez rien d’autre à faire, faites tout de même autre chose.