Vous connaissez George Gershwin.
Gershwin, c’est Broadway, c’est le New-York des années 20, c’est le merveilleux Rhapsody in Blue, c’est la comédie musicale et le cinéma hollywoodien des années 30, c’est Fred Astaire et Un américain à Paris, c’est le mariage de la musique classique et du jazz – mais pas seulement -, c’est le swing et le ragtime – mais pas seulement -, c’est les années folles – mais folles, elles le furent de bien des manières différentes -, c’est The man I love – par exemple -, et puis c’est le génial opéra Porgy and Bess… .
Vous connaissez Summertime ? Vous connaissez alors George Gershwin, le plus afro-américain des juifs new-yorkais d’un temps où règnait la ségrégation et les émeutes raciales – mais pas seulement.
Mais connaissez-vous José Montalvo ? Depuis plus de vingt ans, José Montalvo – chorégraphe – et Dominique Hervieu – danseuse – portent le projet d’une danse jubilatoire et iconoclaste, une danse « art de la rencontre » qui dit le plaisir des corps en mouvement et l’éclat de leur mélange dans une visite sans cesse recommencée de l’histoire et de la géographie de la danse. Une danse qui s’abreuve à la mosaïque des styles et des interprètes qui la font et semblent la réinventer à chaque pas.
Alors quand Montalvo/Hervieu rencontrent Gershwin, on assiste à un spectacle total, comme une vague qui vous emporte, vous élève et vous flanque cul par-dessus tête – vous, et vos émotions avec. .
Sur une scène dont l’unique décor est constitué d’une petite baraque en bois (la maison de Bess ?), et devant un écran tendu comme un vaste aquarium, ce sont quinze danseurs et interprètes, tous plus talentueux les uns que les autres, et heureux de danser, qui vous entraînent au long d’un fabuleux voyage à travers l’univers de Gershwin et à travers ce rêve américain sur fond de cauchemar racial – ou l’inverse.
Un spectacle musical et chorégraphique époustouflant qui se développe avec bonheur sur une toile de fond très largement aquatique. Eaux calmes tout d’abord, où s’ébattent, nues ou en robes de soirée et talons aiguilles, d’insouciantes et gracieuses naïades – mais aussi une chèvre et un éléphant. La pluie et les larmes ensuite, pluie sur un rêve américain qui s’est vu trop beau et larmes à l’évocation des émeutes raciales qui jalonnèrent un siècle tourmenté. Tempête enfin, quand la mer démontée engloutit les miséreux entassés dans des boat people loqueteux. Car c’est bien par l’Afrique qu’on en termine, cette Afrique qui est le revers de la médaille d’une terre d’opulence et de volupté.
Hip-hop, break dance et slam sont convoqués, tandis que les entrechats le disputent à la danse africaine et aux claquettes. C’est beau, parfois drôle jusqu’au loufoque, souvent joyeux, et nous sommes alors d’autant mieux saisi par l’émotion lorsqu’au détour d’un Summertime de toute beauté, la gravité vient nous surprendre et nous bouleverser.
« Good morning, Mr. Gershwin » est une oeuvre chorégraphique magistrale. Courrez-y !
Source : Quand Montalvo rencontre Gershwin