Macbeth c’est l’histoire de « deux personnes qui se rendent compte qu’elles ont tué quelqu’un ». C’est ainsi que résume la pièce Declan Donnellan, grand spécialiste de Shakespeare, et metteur en scène au talent immense.
Au soir d’une bataille victorieuse, le noble et loyal Macbeth croise trois sorcières qui lui prédisent qu’il deviendra roi. Perspective glorieuse qui le grise, et aussitôt pervertit son âme. D’autant que Lady Macbeth, sa femme, aussi ambitieuse que perfide, prendra grand soin qu’il ne s’embarrasse ni de patience ni de scrupule. Ensemble ils décident de tuer le roi afin d’accéder plus rapidement à un trône qui leur a été promis ; ensemble ils l’assassinent sauvagement et, enfermés par la monstruosité de ce premier forfait, deviennent de sanguinaires tyrans, rongés par la culpabilité et la paranoïa. Le noeud tragique qui s’est noué là, dans le sang versé, annonce leur perte.
C’est certainement à juste titre que Macbeth est considérée comme la plus sombre des tragédies shakespeariennes. Donnellan s’appuie sur une douzaine de comédiens formidablement inspirés pour nous en livrer toute la noire substance. Point de ces digressions chères à Shakespeare, nous nous retrouvons à passer comme portés par une flèche, sur la route rectiligne du destin tragique du couple Macbeth, au travers de toute l’épaisseur de la pièce. De toute son obscure vérité et dont émerge d’abord la formidable langue du poète.
Car Shakespeare, c’est d’abord cela : le chant des mots. Et, peu importe qu’on comprenne ou non, un peu ou beaucoup, il y a toujours à gagner un supplément de bonheur à écouter ce chant, lugubre ou joyeux, en version originale. Or Declan Donnellan n’est pas du genre à oublier d’accorder toute sa place au texte, qui plus est quand il s’agit de Shakespeare : ses comédiens prennent soin, et plaisir, à nous faire entendre chaque mot de chacun des vers du poète où sonnent gravement le glas du couple infernal et la douleur de leurs victimes.
Tout est sombre. D’abord cette scène immense et dépouillée, vide et sans fond. Puis les comédiens, tout de noir vêtus. Décor minimaliste, pas d’accessoire non plus. Les sorcières sont invisibles, la lame des poignards assassins est mimée et leurs victimes expirent atrocement sans qu’il soit besoin de maculer la scène de ketchup. Tout en devient plus fort et plus terrifiant.
C’est purement et simplement du théâtre. Il ne s’agit pas que cela fasse vrai, il suffit que cela touche juste.
Tour à tour, Macbeth et Lady Macbeth viennent en front de scène interroger leur conscience, interroger le public, à propos de cette soif de pouvoir qui les dévore, cette folie coupable qui les ronge, cette angoisse de mort qui les tue, et ce feu des hommes qui les consume, et qui nous consume. Ça remue où ça fait mal. Ça touche juste.Tout simplement.
Et aussi, tout ce noir, c’est beau !
Source : Macbeth, par Declan Donnellan