Oct 012010
 

La Cerisaie, d'Anton Tchekhov, par Julie BrochenMais quelle idée a eu Julie Brochen de faire tourner un joint dans les loges avant l’entrée en scène des comédiens, transformés pour le coup en une bande de junkies très très, mais alors très allumés !

De fait, on n’a pas assisté à une représentation de La Cerisaie, plutôt à celle de Dans la solitude d’un champ de Cannabis. Solitude des comédiens qui massacrent avec une rare application le texte de Tchekhov, s’appliquant avec un tout aussi rare systématisme à faire sonner à rebours chacune de leurs répliques.

Solitude des spectateurs surtout, pétrifiés dans leur fauteuil, sidérés par la vacuité esthétisante d’une mise en scène qui n’est au service que d’elle-même, une succession de tableaux et d’ambiances sonores qui n’ont d’autre utilité que de faire joli.

Et c’est vrai que c’est assez joli, parfois. Il y a même une scène plutôt réussie sur la fin. Mais on était aussi venu voir La Cerisaie. On attendait aussi d’entendre du Tchekhov, n’en déplaise à la metteur en scène.

C’est que quarante ans plus tard, le théâtre d’avant-garde façon années 70, n’est plus tellement avant-gardiste. Du théâtre kitsch plutôt.

Qu’on m’explique par exemple l’intérêt de demander à des comédiens – pauvres comédiens, triste Jeanne Balibar – de donner dans l’outrance tragique, voire l’hystérie, quand on joue un drame social. Certes, l’effet est assez burlesque, mais ce faisant, et outre que je ne crois pas que cela fut l’effet recherché, sert-on bien le texte ? Que donne-t-on ainsi à entendre de lui qui lui soit fidèle ? Ridicule davantage que burlesque. Non : atterrant !

Pis encore, le décor. Une magnifique verrière traversée par un plateau tournant. Une belle lumière aussi. Mais voilà, derrière la verrière, on peine à entendre les comédiens. Et devant, leurs voix résonnent, une résonnance qui rend souvent inintelligible ce qu’ils disent. Parfois, l’on pourrait presque entendre le texte, mais alors des chants ou de la musique viennent se charger de recouvrir les mots, nous imposant une beauté qui n’est que creuse.

« J’envisage La Cerisaie comme une pièce métaphysique, qui parle d’une rêverie, l’incarnation d’un songe », écrit Julie Brochen. Et puis plus loin : « Cette Cerisaie est tellement immense qu’elle est aussi un nulle part, un non lieu… On aborde le rien. »

Oui, c’est là en effet qu’on a abordé. Que l’on s’est échoué, plutôt. Ni un songe ni même un cauchemard, le néant. D’ailleurs on n’a pas vu la Cerisaie.

Source : La Cerisaie