Caricature : Dieu ou son prophète ?
La caricature c’est lorsque l’on grossit le trait, à dessein, pour mettre en évidence la partie qui se dissimule dans le tout. et c’est une forme du commentaire qui a du sens.
Le problème survient lorsque la caricature rejoint le préjugé, lorsque le tout est réduit à une partie de lui-même, ou au fantasme de cette partie : le juif est un être fourbe avec un grand nez crochu, le noir est bruyant et sent mauvais, l’arabe est voleur et violent, l’asiatique est nombreux… Lorsque la caricature a ainsi pénétré les esprits, véhiculant son cortège de préjugés nauséabonds, le caricaturiste est contraint de se taire ou de changer la forme de son discours. On n’aboie pas avec les chiens.
C’est que la caricature est autant l’arme des rieurs et des démocrates que celle des racistes et des fanatiques. Si ce n’était fait avant, on l’aurait compris depuis le 11 septembre 2001, certains trouvent intérêt à ce que le monde se divise en deux camps, deux civilisations que tout opposeraient, un intérêt à ce que soit dit, répété et prouvé que l’arabe est musulman et le musulman est arabe, que le musulman est terroriste et le terroriste est musulman, que le juif est sioniste et le sioniste est juif, que l’occidental est chrétien et le chrétien est occidental. et que le juif et le chrétien sont alliés contre le musulman. Et qu’avant cela, le juif, le chrétien et le musulman sont alliés contre le laïque blasphémateur qui conteste à Dieu la suprématie de ces lois.
Ils voudraient caricaturer le monde, le réduire à ces traits épais et grossiers qui semblent nous différencier, et nous dépouiller de notre humanité qui nous est commune. Ce sont eux les caricaturistes, ceux qui enferment les hommes en eux-mêmes en les réduisant à leur caricature, en ne leur laissant jamais le choix d’être simplement eux-mêmes là où ils sont, des hommes avec leurs origines et leurs croyances mais qui vivent aussi ici et maintenant, libres ensemble plutôt qu’enfermés dans une communauté que leur imposerait leur naissance. Leur message est clair : toi, l’arabe, où que tu vives dans le monde, tu es enfant d’Islam et soldat de Mahomet ; toi, le blanc, où que tu vives dans ce monde, tu es le blasphémateur et l’oppresseur ; toi, le juif… Et chaque fois qu’une bombe occidentale explose ou qu’un otage est égorgé devant les caméras ou qu’un acte terroriste est commis ou qu’un crime raciste est commis ou qu’une ambassade est brûlée ou qu’un préjugé racial et discriminatoire est véhiculé, c’est ce message qui est lancé, répété, relayé, amplifié… et ce même enfermement des hommes qui se poursuit, l’enfermement des hommes dans leurs églises.
Alors, oui, les hommes devraient toujours sortir de leurs églises, sortir et être au grand air, et y éventuellement pratiquer leur foi, sous le seul regard de Dieu, ne jamais laisser à d’autres hommes le pouvoir de diriger leurs consciences et s’immiscer dans leurs convictions, qu’elles soient religieuses, morales, politiques ou éthiques. Il n’y a pas en effet de plus grands caricaturistes que les hommes d’église, et c’est de Dieu lui-même dont ils font la caricature. Ce qui amène tout naturellement à cette question, donc : vaut-il mieux caricaturer Dieu ou son prophète ?
Dit autrement, si j’ai le plus grand respect pour Dieu, c’est-à dire pour les croyants et leurs croyances, je ne me sens pas tenu au respect des églises, c’est-à-dire ces lieux de pouvoir où pullulent les prêcheurs et les censeurs, ces hommes qui au nom de Dieu prétendent diriger les consciences d’autres hommes, les guider sur les chemins de l’amour et de la haine – ceux de la haine, le plus souvent.