La rumeur, ce contre-pouvoir
La rumeur court. La rumeur enfle. La rumeur se propage…
La rumeur est une grenade qui se dégoupille à plusieurs. Et quand elle explose, c’est sale.
Twitter fut en première ligne. Puis des photos furent publiées. Des blogueurs prirent le relai. Des journalistes – pas en France, je vous rassure – entrèrent dans la ronde…
Au final, trois faits tangibles : Benjamin Biolay a collaboré avec Carla Bruni sur son troisième album ; Benjamin Biolay a reçu une Victoire de la musique ; Carla Bruni a été la première à féliciter Benjamin Biolay pour sa Victoire. Pas de quoi fouetter un chat.
Plus parlant peut-être : il y a quelques semaines, Benjamin Biolay et Carla Bruni se seraient envolé pour la Thaïlande pour quelques jours de vacances. Et Nicolas Sarkozy aurait affrété un avion pour faire revenir sa femme à Paris. Mais les conditionnels ne permettent pas d’en tirer une information avérée. Laquelle n’aurait d’ailleurs d’autre intérêt que de se demander – parce qu’on connait les pratiques de notre président – si les deniers nécessaires à l’affrètement de cet avion n’auraient pas été malencontreusemet prélevés sur le budget de l’Etat.
Alors quoi ?
Alors Guy Birenbaum, qui a un tout nouveau blog, a déplacé le discussion ailleurs. En un endroit où elle devient nettement plus intéressante : Internet et LA rumeur…, titre-t-il.
Son propos est plutôt simple : les internautes, pyromanes potaches, qui jouent avec CETTE rumeur et l’alimentent se font du mal à eux-mêmes, à nous tous, parce qu’ils donnent du grain à moudre à tous les ennemis de l’Internet qui vont désormais, et une fois de plus, s’empresser de dénoncer cette poubelle, ce tout-à-l’égout, ce dépotoir… qu’il s’agira donc de museler réglementer avec plus de force encore.
Certes, la rumeur, c’est pas joli joli. Mais pour ce qui concerne CETTE rumeur, il serait intéressant d’aller plus loin, plus profond, d’être plus politique.
Parce que la rumeur est l’inévitable réponse à l’opacité du pouvoir et de ses méthodes : la manipulation de l’opinion, le story telling, le contrôle, voire le muselage des médias…
Parce qu’il ne faut pas s’y tromper, ce n’est pas la rumeur qui justifie ou justifiera une plus grande emprise du pouvoir politique sur les médias, en général, et Internet en particulier. C’est une liberté d’information lacunaire concernant un pouvoir politique excessivement peu épris de transparence qui conduit au phénomène de la rumeur.
La rumeur, c’est tout simplement le peuple qui murmure. C’est le peuple qui se gausse d’un pouvoir qui le méprise. Et Internet n’est que la formidable caisse de résonance des murmures acerbes du peuple.
Alors oui, le peuple est potache – et j’en suis, sans honte ni scrupule. Car oui, le président que nous avons est risible, souvent dérisoire. A pleurer de rage. Un président qui se contrefout du peuple et ne gouverne que pour lui-même et ses amis. Un président qui considère que tout lui est permis, qui ment au peuple et ne craint pas de l’insulter, qui bafoue la République (il va jusqu’à contester la légitimité du Conseil Constitutionnel), qui contourne la démocratie (il va jusqu’à concocter un nouveau mode de scrutin – majoritaire à un tour – qui permettra à l’UMP de contrôler presque tous les Conseils régionaux, avec 30 % des suffrages !), qui démantèle la justice pour la mettre à sa botte (suppression d’un juge d’instruction devenu gênant, prescription des délits d’abus de biens sociaux), qui s’arroge le droit de nommer les dirigeants des chaines de la télévision publique, etc…
Alors si le peuple choisit de rire d’un président qui fait Bling Bling quand on cogne dessus – et c’est bien le son que ça rendra au lendemain des élections régionales -, le peuple a raison. Ce n’est pas joli joli, mais le rire est le meilleur – du moins pas le pire – des exutoires.
Internet est dénoncé comme une poubelle pleine d’immondices. Le moyen de lutter contre ça n’est pas d’en appeler au sens des responsabilités et de la mesure de chaque internaute, mais de rappeler ni plus ni moins que ce qui se raconte sur Internet est ce qui se raconte dans tous les bistrots de France et sur toutes les places publiques.
De rappeler, surtout, qu’un peuple respecté par un pouvoir qui lui est théoriquement soumis n’en serait pas réduit à remuer la merde opaque qui colle au basque de ceux qui le gouvernent si mal.
Source : La rumeur, ce contre-pouvoir