Mar 222011
 

Othello Shakespeare OstermeierOthello, Maure et néanmoins général vénitien, est un homme reconnu et respecté comme tel pour sa vaillance et son intelligence de l’art de la guerre, mais rattrapé par sa couleur de peau dès lors que sont révélés ses amours avec la très belle, très pure, et très blanche, Desdémone.

La Tragédie c’est la formation d’un nœud qui enferme les personnages dans une spirale d’évènements dont l’issue est aussi inéluctable que fatale. Dans Othello, ce nœud n’est autre que l’être même du protagoniste : il est noir aux yeux du monde et c’est ce qui scelle son destin.

Le traître Iago sera l’instrument de ce destin. Être perfide et ambitieux, c’est lui qui au long des cinq actes de la pièce tirera un à un les fils qui tisseront la toile dans laquelle finira par s’engluer tragiquement Othello.

Iago : un assassin redoutable dont l’arme est la jalousie. Et chaque mot qu’il susurre à l’oreille d’Othello semble en affûter le tranchant. De rien, il fait naître une question, puis un doute ; un doute qui grandit jusqu’à l’obsession, puis jusqu’à la folie meurtrière.

Othello aime Desdémone, Othello tue Desdémone.

Ou, dit autrement, Othello, homme de raison et civilisé, redevient le Maure sauvage qui, assassinant la femme blanche, met fin à une union socialement inacceptable, jugée contre-nature. Et si c’est Desdémone qui meurt, c’est que c’est elle qui en aimant le Maure avait commis la faute originelle. Des-démone : celle qui a aimé le démon…

Aussi, pour Thomas Ostermeier, tout commence avant le début de la pièce, lorsque Othello devenant l’amant de Desdémone redevient aux yeux de la société le Maure, « le Black ». Sur la scène, tous les personnages sont réunis, Othello se lève et retire son habit de général, Desdémone s’approche et enduit son corps nu d’homme blanc de peinture noire. Tout est dit, Othello est noir dans le regard de l’Autre et ce sera sa perte, le spectacle peut commencer et la tragédie aller à son terme.

La mise en scène est enlevée, dynamique, intelligente, et la scénographie superbe, contraignant les comédiens à jouer les pieds dans l’eau – le premier acte se déroule à Venise – ou, au mieux, au bord de l’eau – les quatre suivants situant l’action sur l’île de Chypre. Au fond, un écran panoramique sur lequel Iago en maître de cérémonie projette à destination d’Othello la fiction des amours infidèles de Desdémone.

Une réussite.

Mais pour sublimer le tout, il y fallait des comédiens exceptionnels, ils n’étaient que bons. Ce soir-là du moins. Un peu écrasés par l’ampleur de la scénographie et de ce que leur réclame de virtuosité Thomas Ostermeier. Un peu ternes, par contraste.

Un grand Othello, cependant.